Charque

Chapitre 2: Kate

Savoir que j'allais devoir assister à cette soirée m'angoissait. Depuis sa mort, nous avions cette fâcheuse habitude de se réunir toutes les trois, profitant de ce moment ensemble pour parler de lui, pour nous remémorer la personne, le père et le mari qu'il avait été.

Et pourtant cette soirée me terrifiait. Tandis que ma mère et ma sœur pouvaient parler de lui pendant des heures, pour ma part, il m'était impossible de me souvenir de lui. Pourtant lorsqu'il nous a quitté, j'étais âgée de quatorze ans. C'était comme-ci mon esprit bloquait chaque souvenir avec lui.

Alors durant cette soirée, je restais silencieuse à écouter Emma et ma mère, récitant les souvenirs qu'elles avaient de lui.

Je fermais un instant les yeux, essayant de me rappeler son visage, ses yeux en amande et sa fossette sur la joue droite qui se dessinait à chaque fois qu'il souriait.

« Au mois...Je me souviens encore de ton visage papa... »

Je décidais de me rendre dans ma chambre un instant afin de me relaxer un peu avant de devoir subir cette soirée. Je m'écroulais sur mon lit complètement épuisé de ma journée. En tournant ma tête, mes yeux se posèrent sur une photo de nous quatre qui était posé sur la table de chevet. Nous étions au bord de la mer, tous souriants, vivant de belle vacances. C'était une semaine avant le drame, un drame qui allait détruire notre famille.

Parfois je m'en voulais, je m'en voulais de ne pas avoir réussi à voir ce qui n'allait pas. De ne pas avoir été assez grande pour être un soutien pour lui.

Je fermais un instant les yeux, voulant juste essayer de penser à autre chose.

Un bruit sourd me réveilla brusquement. Ma chambre avait complètement disparu laissant place à une pièce sombre. Il n'y avait aucune fenêtre, seulement une porte en plein milieu de la pièce. Ce n'était pas la première fois que je faisais ce rêve, et à chaque fois que j'attrapais la poignée de la porte pour l'ouvrir, je finissais par me réveiller.

Cette fois, j'étais bien décidé à savoir ce qu'il y avait derrière cette porte. Je pris un instant pour regarder autour de moi. Comme dans les rêves précédents, il n'y avait rien. Ce qui était également étrange, c'était le fait que je sois consciente que ce n'était qu'un rêve. D'habitude, ils ne sont pas aussi clair et je ne peux pas contrôler mes pensées.

Au fond de moi, j'avais cette mauvaise impression, qui me faisait croire que c'était un piège, que je n'étais pas à ma place.

Toujours avec cette appréhension, je décidais d'ouvrir la porte. Je passais ma tête lentement, pour y regarder à l'intérieur. Au début, je ne croyais voir personne, soulagé, j'ouvris entièrement la porte. Je coupais un instant ma respiration surprise de découvrir un homme, il était de dos, le regard plongé vers une fenêtre. Il faisait trop sombre pour que j'arrive à distinguer ce qu'il était en train de regarder à travers cette fenêtre.

Sans que je sache comment, il senti ma présence. L'homme se tourna lentement et gracieusement dans ma direction. Tout mon corps se crispa, lorsque je remarquais qu'il ne m'était pas inconnu.

J'en étais persuadé, c'était lui. Cet inconnu que j'avais vu plus tôt dans la journée au milieu de la rue. Ce n'était surement qu'une coïncidence, il n'est pas rare que notre mémoire prenne des visages aléatoires de personne que nous avons déjà croisé pour les insérer dans nos rêves.

-Je suis surprise de voir un tel visage ici. Dit-il un rictus en coin.

Il me fit signe d'aller m'installer sur le canapé, mon canapé, en regardant de plus près, nous étions dans mon salon. Ce qui n'était pas étonnant, sachant que c'était mon rêve.