I.

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Il paraît que ce récit a commencé par les larmes d'une femme qui aurait rêvé être la jardinière. Les larmes qu'elle a versé sur une fleur. Mais ne pensez qu'il s'agit de l'histoire d'un jardin de roses, je vous arrêterai tout de suite. D'abord, des roses, il n'y en a qu'une. Ensuite, il s'agit de l'histoire d'une pleureuse. Et un peu aussi celle d'une fugitive. Mais sûrement pas de la mienne.

*

Peu importe l'endroit où tu te trouves ; si tu ne peux le quitter, il s'agit de ta prison. Et je suis bien consciente d'avoir toujours vécu dans une cage en or.

C'est à cause d'une pleureuse que j'y suis, mais elle a toujours veillé à ce que je ne m'y sente pas piégée. Elle vient me voir tous les jours et quand elle chante pour moi, je sais qu'elle essaie de se faire pardonner. Mais on ne peut pas enfermer les roses, et si j'y reste c'est seulement parce que j'y suis née.

La pleureuse a peur de moi. Je sais qu'elle a peur que je reste, que je m'en aille aussi. Elle craint mes épines et mes pétales, que je meurs et lui survive. Elle pleure parce qu'elle a peur pour moi. Et depuis que je la connais, elle n'a jamais arrêté de pleurer.

Elle cache ses sanglots derrière des chansons joyeuses, et à chaque fois qu'elle m'arrose, le poids de ses pleurs s'écroule sur mes feuilles. Les fleurs ont les mots légers, mais les larmes de la pleureuse sont si lourdes qu'au fil du temps son dos s'est affaissé.

Elle est rentré dans ma cage le dos courbé.

Elle commence à chanter avant d'arriver, elle ne m'a jamais surprise. Je l'entends avant de la voir, mais je ne l'entends ni ne la vois. Je sais quand elle est là quand l'eau roule à mes pieds et ses larmes sont sales, salées. Elle rêverait d'être belle en pleurant, et si je lui laisse les larmes, c'est qu'elle m'a laissée la beauté.

Elle s'assoit à côté de moi pendant que son silence roule sur ses joues. Comme les roses ne parlent pas, la pleureuse ne parle pas non plus. J'aurais voulu lui dire que même sans l'entendre, je l'aurais écouté. C'est dommage que les roses n'aient pas de voix.

Quand la pleureuse quitte ma cage, elle me dit au revoir, sans savoir que chacune de ses paroles est un adieu.

Même si tu pleures quand tu m'arroses, j'aime t'écouter chanter. Alors je t'ai dit à demain.

En sortant, la pleureuse m'a souri.


RosenwaldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant