VIII.

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- J'ai dit : « tu devrais prendre du repos ». Aller t'allonger, je te préparerai un bon truc à manger. Ou mettre une nappe dans le jardin, et profiter des rayons de soleil. Aller te balader, quitter la verdure pour le goudron, laisser la campagne pour l'air étouffant de la ville. Ou préparer un sac à dos et aller marcher un peu plus loin. Dans la campagne voisine, si les bruits te font peur. Encore plus loin, si les silences t'effraient aussi. Je viendrai avec toi si tu as envie de parler. Si tu veux te taire aussi, je t'accompagnerai. Si ton sac est trop lourd, je le porterai en plus du mien. Car il en faut des affaires, pour faire le tour du monde. Il en faut du temps aussi, alors tu devras prendre beaucoup de repos. On dépassera toutes les fleurs qui n'ont pas la chance de t'avoir, et tous ceux qu'on ne veut plus voir. On ira loin, plus loin qu'eux, plus loin que personne n'a jamais été. Là où on sera, personne ne pourra jamais nous retrouver. Car rien ne nous force à rester. Ici, où que ce soit. Rien ne nous force à nous arrêter.

« On ira partout. On ne courra pas, pour que tu ne sois pas trop fatiguée, car je n'oublie pas que tu dois te reposer. Alors on ira a ton rythme, et on profitera de tous les rayons de soleil, de chaque pluie. On comptera les nuages et les rivières. Avec un peu de chance, on pourra compter les montagnes et les flocons.

« On verra toutes les fleurs du monde, et je tiendrai tes cheveux quand tu te pencheras pour les sentir. Chacune d'entre elle te suppliera de les emmener avec toi, mais comme notre voyage sera long, on ne pourra pas s'encombrer. On les saluera toutes, une par une, et on leur dira au revoir, sans tristesse aucune, car nos pas nous mèneront vers des paysages toujours plus beaux. On ira toujours plus loin.

« Si tes pas sont trop lourds, alors on s'arrêtera. Dans un pré ou sur une montagne. On serait bien assises dans une forêt. On dormira sous les étoiles, dans les bras l'une de l'autre. Je te serrai fort contre moi, pour m'assurer que tu n'aies jamais froid. Et le matin, quand on repartira, je tiendrai ta main, pour qu'on ne se sépare jamais, pour qu'on ne se perde pas. Mais on n'aura jamais peur de se perdre, parce qu'on tracera notre propre route. Aucun chemin à suivre si ce n'est celui que l'on crée, celui que l'on veut fouler. On ira partout, puisqu'on ne veut plus être nul part. Ça prend du temps d'aller nul part. Il faudra profiter du voyage.

« On goûtera les airs de tous les pays qu'on traversera. On enfouira nos rêves dans tous les sables, on laissera derrière nous des milliers de sentiers éphémères. Et dans la neige, nos bonhommes ne fondront jamais, car à force de les forger par milliers, on réussira à les rendre éternels.

« Avec un peu de chance, on parlera toutes les langues à force de traverser tous les pays. Ça sera long, de fouler chaque millimètre de cette planète, tu sais. Mais peu importe le temps que ça prend, même si ça durait toute la vie. On serait ensemble, alors ça ne sera jamais une mauvaise idée.

« Peu importe qu'on nous jette et nous rejette, qu'on ne veuille pas de nous. Il suffira de tourner le dos, et de continuer la balade jusqu'au prochain flocon, jusqu'à la prochaine fleur et aux prochaines mélodies.

« Et quand on aura traversé tous les océans et toutes les chaînes de montagne, on aura trouvé un endroit dans le monde, au moins un, dont nous on veut bien. Car le choix nous appartient.

« Quand on l'aura décidé, quand on sera reposées, on pourra choisir un pays, au hasard. Peu importe lequel, car toutes les fleurs du monde sont belles. On aura été partout, donc on sera partout, on ne sera plus nul part, donc inutile d'être quelque part. Mais si on le décide, alors on ira.

« À un endroit où il fait bon vivre, pour continuer encore à se reposer. Car on a assez couru, tu ne penses pas ? On nous a assez fatiguées, pour toute une vie. On s'arrêtera dans un bel endroit, un endroit où il fait bon vivre. On y fera ce qu'on veut. Peu importe où, ça pourrait être l'Allemagne, tiens. Il paraît que c'est beau là-bas. On arrêtera enfin notre balade, et tu pourras y ouvrir un jardin là-bas. L'appeler Rosen Wald. Oui, c'est ça, Rosen Wald. Car ça veut dire forêt de roses. »


RosenwaldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant