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Les cendres tombent une à une sur le sol, la fumée se volatilise dans les airs.

Toujours la même rengaine. Tu tires, elles tombent. Tu tires, tu meurs. Il tire, elle tousse.

- Ca te dérange tant que ça ?

- Oui.

- Alors pourquoi tu viens traîner dans les bars si tu détestes tant la fumée ?

- Pour m'oublier.

- Bizarre.

- Lourd.

- Ennuyante.

Et il continue de tirer. Et elle continue de tousser.

- Tu veux pas arrêter ?

- De fumer ?

- Non de chanter.

- Hein ?

- Mais oui de fumer bordel. Tous aussi cons ces mecs.

- Toutes aussi chiantes ces femmes.

- Je te demande pardon ?

- C'est toi qui me provoques. Je te réponds.

Pour renforcer sa dite provocation, il tourne son visage vers elle et lui envoie toute sa fumée.

- T'es malade.

- Dit-elle.

- Tu sais quoi ? Va te faire foutre.

- Pas par toi en tout cas.

Une dispute d'inconnus dans un bar, les oreilles sont forcément les commères, et les rires, au premier rang. Tous les regards sont virés sur elle et ses pas qui la dirigent vers la sortie. Certaines voix ne s'empêchent pas de prendre lee devants.

- Il y en a une qui a perdu un coup ce soir. Fallait pas viser si haut ma douce.

- Il y en a un qui va perdre connaissance s'il continue comme ça.

Mais sa fidèle colère et son profond dégoût sont restés en arrière. Elle n'avait plus de temps à gâcher dans ce terroir de rats, rien, ne méritait sa colère.
Pas même celui qui lui a ravivé ses souvenirs.

Elle marche dans la nuit fraîche, mais les seules bouffées d'air qu'elle reçoit sont semblables à celles d'un vent d'été. Elle étouffe petit à petit. Tout, sur elle et autour d'elle devient encombrant. Tout, à l'intérieur d'elle devient invivable. Ses poumons sont intoxiqués. Toute cette fumée qu'il lui a soufflée dessus, elle l'a l'impression de l'avoir avalée. Son palais est imbibé de cendres, sa gorge la brûle.
Rien, ne pourra lui faire oublier les dernières cendres qui sont tombées.
Même une fois chez elle, l'odeur et les sensations y sont encore. Alors qu'elle ne fume pas. Alors qu'elle n'habite plus là-bas.
Elle pensait que partir loin de toute cette fumée la libérerait. Elle pensait qu'elle s'en sortirait.

- A force de trop fumer tu vas finir par crever.

- Tu crois à ce genre de mythes ?

- Depuis quand est-ce que monsieur 200 QI contredit la science ?

- J'ai 200 QI, ça veut pas dire que je suis intelligent.

- T'es con.

- Tu vois toi-même tu le dis. Je suis con.

- Ça va que t'es beau.

- Il paraît ouais.

Et elle lui a retiré sa cigarette de sa bouche pour venir placer ses lèvres.

- C'est plus agréable non ?

- Je sais pas. Je crois que je préfère le goût de cendres.

- Dégage.

- Toi reviens.

Et de sa main il a attrapé son menton et a prolongé ce baiser, trop court pour lui.

- C'était juste pour vérifier.

- Et ?

- Les cendres sont meilleures.

- Me parle plus jamais.

- Tu boudes ?

- Non. Je m'appelle pas Shikamaru Nara.

- Non, mais peut-être qu'un jour tu seras Temari Nara.

- Quoi ?

- Ça va, tu sais bien que je rigole.

Car ni l'un, ni l'autre n'avait envie d'officialiser.

- Tem'.

- Hm ?

- Ca te dérange la fumée ?

- Non.

- Tu mens ?

- Oui.

Et il tire sur sa cigarette.

- Galère...

- Tu vas arrêter ?

Une question sans réponse. Il ne veut pas. Il ne veut pas continuer, mais si sa seule raison d'arrêter c'est pour elle, alors non, il n'arrêtera pas. S'il fait les choses, c'est pour lui-même. Il l'aime parce qu'elle lui fait un bien fou. Il l'aime parce qu'à ses yeux il n'est pas juste Shikamaru. Il est quelqu'un de meilleur.Il l'aime tellement bordel. Elle lui fait voir flou depuis trop longtemps. Et depuis qu'il sait que la fière Temari a rangé sa fierté de côté pour lui, bordel il est heureux et il n'y a plus qu'elle dans ses yeux.

- Tu vas m'épouser ?

- Shika ça a rien à voir bordel !

- Tu veux pas m'épouser.

- Mais toi non plus tu veux pas. Puis même on a 17 ans, on a toute une vie devant nous. Sauf si tu continues de te tuer à petit feu comme ça...

- Désolée Tem'. Je peux pas.

- Parce que je veux pas t'épouser ?

- Non. Parce que j'en ai pas envie.

Et les cendres coulent. Et les larmes tombent. La fumée a formé un brouillard dans lequel ils se sont tous les deux perdus. Et dans lequel il n'a jamais pu se relever.

Elle pensait être passée à autre chose, mais tout ce qu'elle a ressenti à ce moment-là c'était du regret. Le regret d'être partie, de ne pas être restée avec lui, pour des conneries.

Et l'odeur qui est venue à elle quand elle a mis les pieds dans cet appartement, lui a confié que si elle était restée, les choses auraient pu changer.

- Il est devenu fou après ton départ Temari. Il était plus lui-même. Et je savais plus quoi faire...J'aurai dû t'appeler je...

Les larmes se font entendre. Mais tout ce qu'elle remarque c'est qu'il y a des cendres de partout. Encore même sur sa bouche. Et le goût de ses lèvres cendrées sur les siennes lui est revenu.

Il a toujours préféré les cendres.

cendres [ˢʰⁱᵏᵃᵗᵉᵐᵃ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant