LII

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Faith

Les mitaines qui recouvrent mes mains sont loin d'être assez protectrices contre le froid mordant de l'hiver. Le bout de mes doigts, exposé à la brise glaciale, vire petit à petit au rouge depuis de longues minutes déjà. Chaque rafale de vent semble s'insinuer à travers le tissu, gelant mes os jusqu'à la moelle.

Ce dernier mois, j'ai eu l'opportunité d'expérimenter le lycée accompagnée d'Ariana. Sa présence avait transformé mes journées en une suite de moments un peu moins oppressants. Maintenant qu'elle est absente depuis mardi, je réalise à quel point mes journées solitaires étaient étranges auparavant, remplies de longs silences passés à observer les autres élèves, à me perdre dans la foule sans jamais vraiment y appartenir.

Ce qui a véritablement changé par rapport à il y a un mois, ce sont les regards. Ces regards qui me suivaient autrefois. Désormais, ils ne sont plus moqueurs, mais se transforment en sourires, des sourires à moitié sincères, presque figés. Je perçois ce changement depuis quelque temps déjà. Depuis qu'Ariana s'est rapprochée de moi, une distance s'est creusée entre les autres et moi, comme si elle incarnait une menace invisible à leurs yeux.

Kate et Sharon, qui autrefois cherchaient constamment mon regard pour m'humilier, évitent désormais de croiser mes yeux. Et si, par hasard, nos regards se rencontrent, elles affichent un sourire forcé, presque mécanique, qui manque de la cruauté dont elles faisaient preuve avant.

C'est étrange. Très étrange.

Assise sur un banc près de la salle des professeurs, je mords distraitement dans une pomme. Mon attention se porte au loin sur un groupe de filles, dont Kate et Sharon, qui semblent jouer un rôle pathétique auprès d'une autre fille, écroulée au sol, les épaules secouées par des sanglots. Kate et Sharon feignent la compassion, mais leurs regards complices et les sourires narquois qui se dessinent sur leurs lèvres trahissent leur véritable amusement.

Mais mon observation est interrompue par quelque chose de différent, plus proche. Madame Miller et Monsieur Johnson passent devant moi, se dirigeant vers la salle des professeurs. Madame Miller lui parle, mais Alban semble détaché, absorbé dans ses pensées, presque indifférent.

— Bonjour, les salué-je, un sourire large étirant mes lèvres.

Ils tournent la tête vers moi, interrompant leur conversation.

— Oh, bonjour, Faith, répond Madame Miller tout en continuant son chemin sans s'arrêter.

Alban, quant à lui, arque un sourcil, un sourire ambigu naissant au coin de ses lèvres. Il pénètre le premier dans la salle des professeurs, sans retenir la porte pour Madame Miller, qui le suit, légèrement contrariée.

Près de deux minutes plus tard, la sonnerie résonne. Je saisis mes affaires d'un geste mécanique et me dirige vers la salle de classe. C'est notre dernier cours de la semaine, avec, comme chaque vendredi, Monsieur Johnson.

Une fois la porte ouverte, je m'assois à ma place habituelle, près de la fenêtre.

Il entre dans la classe avec son habituel gobelet de café à la main et une pile de dossiers coincée sous le bras.

— Aujourd'hui, annonce-t-il en déposant ses affaires sur le bureau, nous allons aborder un moment charnière de l'histoire des États-Unis.

Il se tourne vers le tableau et écrit en grandes lettres : « La Grande Dépression - 1929 à 1939 ». Les feutres grincent sous sa main, un son désagréable qui résonne comme un écho dans le silence de la classe.

Mon intérêt retombe aussitôt. Le titre de la leçon n'a rien de captivant à mes yeux. Nous en avons déjà parlé en survolant la Seconde Guerre mondiale.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant