Robin puait le rat mort. Ce n'était pas très recommandé lors d'un jour de rentrée. Il portait ce pull fin gris depuis une semaine, ne l'avait pas changé, et voilà le résultat. Visiblement, il n'avait pas encore la notion du parfum ou du déo, donc ses options se limitaient à rester à l'écart pour ne pas passer pour le crado de service. Il devait coller ses bras à ses flancs pour espérer sauver les meubles. Même sa poitrine était couverte de sueur !
Heureusement pour lui, le couloir était désert et toutes les portes étaient fermées. L'horloge derrière lui affichait neuf heures, Robin ne put s'empêcher de faire le rapprochement avec son âge.
« Tic-tac », l'horloge ne répondait que ça. Chaque seconde résonnait autour de lui, accentuant son impression de punition indéniable.
« Tic-tac », Robin attendait devant cette porte comme un clébard. Trop tétanisé pour oser toquer, le garçon était resté immobile pendant ce qui semblait être un quart d'heure. Toquer ou ne pas toquer ? Telle était la question.
La porte, elle, s'en moquait royalement des doutes du gamin. Elle le narguait, le défiait, paraissant dire : « Allez, p'tite chose, voyons combien de temps tu vas tenir comme ça ». Robin se dit qu'à trois, il toquera. Il se le promit intérieurement. Un, deux, trois.
Il s'approcha du battant, serra le poing devant et...
Il recula pour reprendre sa position initiale, droit comme I.
Purée, elle n'avait pas froid aux yeux, cette porte.
Parlons-en, de cette porte ! Elle était embrassée de lettres maladroitement agencées, découpées sur des papiers colorés. Le mot restait étonnement clair : « Avalanche ». Que signifiait-il ? Robin le savait : les Avalanches étaient littéralement les pires élèves de l'école, si ce n'est du comté tout entier.
Un morceau d'école nommé « Spirite » pour des raisons aussi floues que l'idée de Gerty de devenir commère. Spirite était une école aux débuts controversés ; ses méthodes sortaient de l'ordinaire si vous voulez.
Pour comprendre, le plus simple était de parler des Avalanches. Paria de nature, les Avalanches étaient des adultes ayant eu un passé de délinquant. Désespéré pour la plupart, Spirite s'était présenté à eux — jamais l'inverse — comme l'espoir d'une seconde chance. « La plupart », car telle la légende « Aube Croque-Mitaine », la légende de Spirite racontait que certains Avalanches avaient été amenés dans une salle de classe contre leur gré. Par qui ? Cela dépendait des versions ; des agents secrets, le maire, ou si on était plus friand de sensations : des créatures surnaturelles.
Spirite n'était pas totalement renommée pour sa classe de parias. Non, la fierté de Spirite n'était pas là. Son éclat était bâti sur les Ensoleillés. C'est-à-dire la classe composée des élèves ayant un bulletin incarnant le mot juste de l'excellence. Des futurs avocats et présidents en puissance. La perfection n'existe pas ? Dîtes ça à un Ensoleillé et il vous en collera une belle. Les Ensoleillés contrôlaient tout Jacksonville, leur intelligence était reconnue et enviée. Même M. Hellwel, rédacteur en chef de The Jacksonville's Trues, fermait son clapet devant ces porteurs d'avenir. Ses articles ne servaient qu'à lécher les pompes de ces élèves bien au-dessus des autres.
En dessous, il y avait les Ciels, des élèves assez brillants pour ne pas finir chez les Avalanches, mais pas assez excellents pour atteindre les Ensoleillés. Eux n'avaient pas le droit à toute la reconnaissance reçue par les Ensoleillés, mais avait eu un compliment sur un article paru à Medford, disant que les Ciels avaient le mérite d'être juste en dessous des Ensoleillés, soit pas loin de la perfection.
Les Nuages, quant à eux, étaient victimes de l'entonnoir : ils n'étaient pas suffisamment voyous pour entrer dans les rangs des Avalanches, mais les filets étaient tendus. Ils étaient dans le collimateur et avaient un fusil collé aux fesses en permanence. Les Nuages n'avaient ni le contrôle de Jacksonville, ni n'avaient reçu un compliment d'un article de Medford. Il avait néanmoins la sympathie d'être des élèves normaux, sans privilège, mais sans légende effrayante sur le dos.
Enfin, les Bourbons étaient les nouveaux élèves, dont le verdict tombait assez rapidement pour que cette catégorie ne soit pas inscrite dans le hall parmi les autres.
À l'origine, Robin était un Nuage. Il avait passé son année précédente — sa première à Spirite — dans cette classe. Mme Juliette lui avait répété en boucle que son cerveau « mangeait les informations », c'est un compliment fort désiré dans la classe de Mme Juliette, bonne chance pour l'avoir. Robin aurait pu atteindre le niveau supérieur, mais comment dire qu'un fainéant comme lui était recalé aussitôt passé devant la porte des Ciels et exécuté vifs devant la porte des Ensoleillés.
Pourtant, cette année, dans la classe Nuage, on avait osé lui demander de se présenter devant la porte des Avalanches à 9 H précise. Robin ne comprenait toujours pas pourquoi ; il n'était ni adulte, ni un délinquant. Puis, la majorité des Nuages avaient des notes aussi chaotiques que son odeur et n'étaient jamais plus que des Nuages. Peut-être jamais des Ciels, mais jamais des Avalanches.
Robin était seul avec les battements de son cœur. Seul Nijkin, reconnu de tous les Nuages comme étant « l'homme le plus gentil de l'école », connaissait la nouvelle de son arrivée chez les Avalanches. Les Ensoleillés personnifiaient l'excellence, Nijkin la gentillesse.
Pendant un court instant, Robin eut un nouvel espoir d'ouvrir cette porte avant de se rappeler qu'il était en plein territoire ennemi. Un territoire gardé par des prédateurs sanguinaires. Comment les Avalanches réagiraient-ils en voyant un enfant devenir leur camarade ?
Il se renfrogna et essaya d'oublier cette folie d'ouvrir une porte aussi dangereuse. Et dire qu'il s'apprêtait à toquer !
Robin baissa la tête vers son poignet bleui, et s'ils l'apprenaient ? Il eut un coup au cœur. Les larmes commençaient à lui monter tandis qu'il se répéta que pleurer dans l'immédiat n'était pas une bonne idée, comme sentir mauvais le jour de la rentrée. Il tenta de refouler ses larmes et respira intensément. Il passa sa manche sur les quelques traînées ayant réussi à couler sur ses joues. Il cacha son poignet en tirant sur sa manche.
« Tic-tac », des bruits de pas résonnèrent dans le couloir. Robin tourna la tête. Un homme asiatique aux longs cheveux noirs de jais, plaqués violemment vers l'arrière, arriva dans sa direction. Ses bras étaient encombrés d'une pile de documents. Avec la femme de ménage, il n'y avait que lui qui travaillait dans l'école sans être un professeur.
— Hey, Robin, dit la voix étouffée dans ses documents.
Le petit garçon aurait volontiers proposé son aide si Nijkin n'avait pas jeté toutes ses feuilles par terre.
— Je ramasserai, garantit l'homme en souriant. Il se pencha en face de la petite tête blonde. Vraisemblablement, il ne s'était pas aperçu de son odeur rebutante. Bon, je me répète, mais je suis persuadé qu'il y a eu une erreur. Je le dirai à Catherine en entrant.
— Catherine ? répéta-t-il d'une petite voix.
— La professeure des Avalanches. Enfin, elle ne sera pas la tienne longtemps puisqu'on fera en sorte que tu retournes en Nuage.
Robin l'espérait de tout cœur. Son imagination d'enfant voulait le croire, entre autres.
Nijkin se redressa pour regarder sa montre.
— Eh bien, c'est l'heure. À la minute près.
Il se pencha à nouveau vers l'enfant.
— Surtout, n'aie pas peur. Les élèves sont grands et impressionnants, mais ils ne te feront pas de mal.
— Et si j'ai... j'ai peur ?
Nijkin le considéra avec des yeux que Robin trouva tendres. Peut-être ces yeux-là voulaient dire autre-chose, mais il n'y voyait que de la tendresse.
— Dis-toi seulement que tu ne resteras pas longtemps ici. D'accord ?
Robin hocha la tête, même si, au fond, il avait envie de pleurer.
Cette envie s'accentua quand Nijkin ouvrit la tant redoutée porte.
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1303 mots
Chapitre avec un peu de retard oupsi ^^"
Heyyy!! ಡ ͜ ʖ ಡ
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𝐆𝐫𝐚𝐧𝐝 𝐂𝐥𝐨𝐰𝐧
Mystery / ThrillerAube Croque-Mitaine est le nom d'une entité terrorisant Jacksonville, un petit hameau situé dans la périphérie de Medford, dans le sud de l'Oregon. Faute de preuve contre sa culpabilité, Aube ne sera jamais enfermé pour ses meurtres infantiles. Scan...