Chapitre 2

45 4 31
                                    

« Je ne veux pas de ça, fit Gino qui avait visiblement dix ans de moins.
— Le jeu du grand méchant loup et du chaperon rouge ? C'est comme jouer à chat. lui demanda son père.
Gino se retrouva comme piégé dans sa version plus jeune sans pouvoir interagir, ne faisant qu'assister à la scène tel un simple spectateur. Toutes les émotions pouvaient s'exprimer sans que cela ne se manifeste dans cette réalité.

Il était retourné dans le passé sans pouvoir rien y changer. L'une des principales différences avec le présent, c'est que le Glitcher n'était jamais là. Mais était-ce mieux ?
Son père s'approcha de lui d'un pas lourd. Le jeune Gino adolescent tremblait de tous ses membres, il savait en quoi ce « jeu » consistait pour son père. Il commença à pleurer et le supplier de ne pas le faire.
— S'il te plait p'pa, j'en peux plus, je veux pas le faire, je t'en supplie. pleura-t-il en reculant à petit pas au fur et à mesure que son père se rapprochait de lui.
— Me supplier ? Mais tu n'es qu'un sale petit morveux ! cria-t-il en retirant sa ceinture en cuir. Depuis que ta mère est partie, tu es devenue insupportable et ta tête m'énerve, tu lui ressemble trop.
Gino n'avait jamais trouvé cela juste de se faire battre pour l'unique raison d'être le portrait craché de sa mère. Son père était tout ce qu'il détestait, tout ce qu'il ne voulait pas être. Il lui demandait de tout faire dans la maison car sa compagne n'était plus là, incapable de faire autre chose que de regarder la télévision en tachant son marcel lorsqu'il mangeait des sandwichs bourrés de sauce. Le jeune Gino avait terriblement honte d'être le fils d'un tel homme. Il n'avait pas forcément été mieux lorsque la mère était là, il était juste moins violent, Gino n'était pas son défouloir. Car oui, à un tel niveau, il n'était rien d'autre qu'un punching-ball. Tout était une excuse pour subir les pires sévices de son père.
Le jeu du grand méchant loup et du chaperon rouge était très simple, le paternel se munissait de sa ceinture et Gino de ses jambes. Ce dernier devait fuir et se cacher pendant un temps s'il voulait éviter les coups. Malheureusement, il n'avait jamais réussi, l'appartement n'étant pas très grand, cela rendait toute tentative de fuite assez complexe. D'autant plus qu'il n'avait pas le droit de sortir au risque de subir bien pire, tout dépendait de l'imagination de son paternel.
— Prêt ?
— Non non pitié...
— Un, deux... prépares-toi ! Et trois ! cria-t-il avec un grand sourire.
Le temps que cela allait durer n'était jamais décidé à l'avance, il n'y avait d'ailleurs pas vraiment de temps décidé à l'avance, tout dépendait de l'humeur du père.
Après avoir couru de toutes ses forces malgré sa faible condition, Gino avait décidé de s'enfermer dans une armoire de la chambre de sa sœur car c'était la seule avec suffisamment de place. Il savait qu'il allait être trouvé et il en était tellement épuisé rien que d'y penser le faisait trembler, essuyant ses larmes qui n'arrêtaient pas de couler, tout comme son nez qui le faisait renifler.

Le père se rapprocha, cherchant dans les pièces où son fils avait-il pu se cacher.
— On est censé jouer à chat, pas à cache-cache !
Rien que cela pouvait être une raison de recevoir plus de coups que prévus. Le moindre détail qui n'allait pas dans la même direction que son père, tout était une excuse pour se défouler. Et il n'y avait pas que la ceinture, mais tout ce qui pouvait lui passer sous la main s'il n'utilisait pas ses poings.
Ce dernier fouilla assidûment dans les pièces de l'appartement d'un pas lourd et impatient pendant que Gino restait recroquevillé dans l'armoire, genoux contre le torse et mains sur la bouche pour masquer sa respiration. L'obscurité le dominait, ne sentant que l'odeur du bois et des vêtements étendus sur cintre qui lui caressait le haut de la tête. Il entendit les pas de son père se rapprocher de la pièce. Au fond de lui, le Gino du présent savait qu'il allait se faire battre, mais il ne pouvait guère agir, seulement tout ressentir. Il revivait une scène de son passé dans les moindre détails. Tous ses sens le renvoyaient dans le passé, un sentiment de nostalgie désagréable lui refroidit le sang. Son lui du passé referma les yeux, laissant couler encore quelques larmes le long de ses joues, respirant difficilement, reniflant le plus doucement possible.

Le 3e ŒilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant