Chapitre 4 (Andreï) - La vengeance est un plat qui se mange froid

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Ce fut un calvaire. J'entre dans le grand salon où je suis sûr de trouver Viktor et Daniela. Je défais mon nœud papillon et le lance dans la pièce sans ménagement. Mon frère patiente à la fenêtre tandis que ma sœur lit un livre.

— Qu'est-ce que tu fais Viktor ?

— J'observe ta femme dire au revoir à sa famille.

Il me lance un regard sarcastique par-dessus son épaule. Daniela lève le nez de son bouquin pour nous observer.

— Cette cérémonie était ridicule, je constate à voix haute. Elle était en blanc... Est-elle idiote ?

— Sans doute, lâche ma sœur.

Je sais pourquoi je l'ai épousé, mais je me demande si je n'aurais pas mieux fait de procéder autrement. Viktor interrompt le cours de mes pensées.

— Son père ne la prend même pas dans ses bras. C'est bizarre, non ?

Je m'assois sur le fauteuil sans prêter attention à mon frère. C'est Daniela qui s'en charge.

— Tu voudrais que ce roi pleure ?

— Non, mais qu'il n'ait pas l'air aussi froid.

— Il a tué nos parents Viktor et tu veux qu'il soit affectueux avec sa fille...

Je repense au jour où mes parents ont été tués de la main de l'homme qui vient de m'offrir sa fille... « son bien de plus précieux ». Cet homme est un monstre et je le pensais bien incapable ne serait-ce que d'apprécier l'une de ses filles, mais cette faiblesse me sera sans nul doute utile.

— Oh, ça y est, elle les regarde partir. Combien vous pariez qu'elle pleure ?

— Dix orbes qu'elle tient en frémissant la lèvre.

— Quinze qu'elle pleure.

— Ok, je te suis.

— Vingt qu'elle ne fait rien de ce que vous imaginez, je lâche et laissant tomber ma tête contre le dossier de mon fauteuil.

— Pari tenu, lâchent-ils en même temps.

J'observe Daniela reposer son livre sur la table basse. Depuis la fête, elle a lâché ses cheveux noirs, mais elle porte encore sa robe de bal. Je remarque que la perspective de gagner la fait trépigner. Elle se redresse de son canapé et observe le dos de notre frère avec insistance.

— Bon Viktor...

— Euh... Je...

— Quoi ?

— Je crois qu'elle rigole.

Il se retourne vers nous en fronçant les sourcils. Je garde la même position et l'ignore. Il a dû se tromper. Je laisse ma sœur se lever pour constater.

— Tu dis n'importe quoi, comme d'habitude. C'est sûr qu'elle pleure.

Elle arrive à sa hauteur et le pousse. Viktor se place dans son dos. Vu la petite taille d'Ela, il peut très bien voir au-dessus.

— Attends... Quoi ?

— Quoi ? je demande avec lassitude.

— Elle rigole vraiment... Elle vient de faire un tour sur elle-même.

— Vos boutades ne sont pas très amusantes. Vous êtes au courant ?

Je sais pertinemment qu'ils essaient de me faire une blague. Quel genre de vampire se mettrait à rire alors que son père bien aimé vient de l'abandonner dans la demeure d'un ennemi ?

Les cendres de la vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant