CHAPITRE II

6 1 0
                                    

Je m'accrochais aux accoudoirs de mon siège alors que la navette tremblait de plus en plus, chaque vibration nourrissant une peur que je m'efforçais de cacher. Mon cœur battait à tout rompre et, malgré la façade de confiance que j’avais exhibée devant Murphy plus tôt, je sentais la panique monter en moi. Mes pensées, que j'essayais de maîtriser, se dirigeaient malgré moi vers mon père. Avait-il, ne serait-ce qu’une once de crainte pour moi, là-haut, sur l'Arche ? Ou bien s'en fichait-il totalement ?

Je repensais à la scène où je lui avais craché au visage. Son expression m’avait frappée, une sorte de tristesse mélangée à du regret, une image qui m’avait brièvement désarçonnée. Mais... est-ce que ça voulait vraiment dire quelque chose ? Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il s’en foutait royalement, que tout ce qui comptait pour lui, c'était de suivre les règles, de maintenir ce fichu ordre. Et moi, dans tout ça ? Je n'étais qu'un pion à sacrifier, ni plus ni moins.

Les écrans éparpillés sur les parois du vaisseau s’allumèrent soudainement, interrompant le flot de mes pensées. Le visage du chancelier Jaha apparut, projetant une ombre de dégoût parmi les prisonniers. Je n'étais pas la seule à détester cet homme et tout ce qu'il représentait.

« Prisonniers de l'Arche, veuillez m'écouter. » Sa voix résonnait dans la navette, chaque mot empreint de cette prétention insupportable. « Nous vous envoyons sur Terre. Ceci est une seconde chance que nous vous offrons. » Sa rhétorique, bien rodée, me donnait envie de vomir. « En tant que chancelier, j'espère que vous ne la verrez pas seulement comme une chance pour vous, mais aussi comme une chance pour nous, et je dois le dire, pour l'humanité en son ensemble. »

Il marqua une pause, probablement pour laisser ses paroles "inspirantes" faire leur effet. Je serrais les dents face à cette hypocrisie dégoulinante.

« On ignore ce qui vous attend. Si les chances de survie étaient plus élevées, nous aurions envoyé d'autres personnes. Nous vous avons envoyés, vous, car en raison de vos crimes, nous nous sentons en droit de vous sacrifier... »

À ce moment-là, tout se brouilla dans ma tête. Le reste de son discours m’échappait complètement. Le mot « sacrifier » résonnait dans mon esprit, tournoyant comme une lame acérée. Alors c’était ça ? Nous n'étions que des sacrifices pour eux, rien de plus qu’un groupe d’indésirables qu’ils pouvaient jeter à la poubelle. Pas une "seconde chance", juste une manière de se débarrasser de nous, de se délester de ce qu’ils considéraient comme du poids mort.

Une froideur envahit mon corps, mon esprit, chaque fibre de mon être. L’indifférence avec laquelle ils jouaient avec nos vies était insupportable. Ils parlaient de l'humanité, mais où était la leur ? Je sentais la colère bouillonner en moi, mêlée à un désespoir que je n’osais admettre. J'étais coincée ici, en route vers une planète inconnue, envoyée à la mort par ceux qui devaient protéger la vie.

Mais qu'est-ce que je croyais, au juste ? Que la justice existait vraiment pour nous, les délinquants, les parias ? J’avais été naïve de penser qu'ils me voyaient encore comme une personne. Pour eux, je n'étais qu’un numéro, une faute à corriger, une erreur à effacer.

Alors que la navette continuait de trembler, je fermais les yeux un instant, essayant de trouver un semblant de calme. Mais c’était impossible. La réalité était trop brutale, trop cruelle pour être ignorée. Je rouvris les yeux et fixai l’écran où Jaha continuait de parler, mais ses mots n'avaient plus aucun sens pour moi. Ils n'étaient que le reflet d'une société qui m'avait déjà condamnée.

Je me promis une chose : quoi qu’il arrive sur cette foutue Terre, je ne laisserais plus jamais quelqu'un décider de mon sort. Ils m'avaient peut-être jetée ici, mais je leur montrerais que j'étais bien plus qu'un simple sacrifice.

EXPIREDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant