Aubade

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Aubade : petit concert donné vers l'aube du jour sous les fenêtres d'une personne que l'on veut honorer ou fêter.

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Gabriel se réveille progressivement, un sens après l'autre : le tic-tac discret de l'horloge, la lumière bleuâtre s'infiltrant à travers ses paupières, un mal de cou atroce. La rugosité du tissu sous sa joue. Gabriel fronce les sourcils avant même d'ouvrir les yeux. Pendant un court - et non-désagréable - moment de flottement il ne sait pas où il est, la chambre inconnue autour de lui se remplissant peu à peu de la lumière transparente de l'aube. Puis les souvenirs arrivent d'un coup comme une avalanche, et Gabriel se retrouve enseveli sous leur intensité. Il presse la main contre sa bouche et ferme les yeux en attendant que le monde arrête de tourner comme une centrifugeuse.

Mais quel con.

Quel imbécile, quel...

Il ouvre les yeux - la séance d'autoflagellation peut très bien attendre un peu, le temps de se retirer à une distance de sécurité. Il se redresse sur ses coudes et jette un regard tentatif par-dessus le dossier du canapé, sur lequel il s'est endormi la veille, habillé et - dieu merci - seul. Il devine la silhouette du lit, et celle de l' homme qui y est couché. Il se redresse un peu plus en poursuite de son enquête - aucune réaction en provenance du lit n'en résulte. Tout doucement et sans quitter le lit des yeux, Gabriel se lève, vérifie que son téléphone est toujours dans la poche de son pantalon, puis commence à avancer sur la pointe des pieds vers la porte. Il s'éprend d'une gratitude immensurable pour la moquette qui absorbe le bruit de ses pas, et réussit à faire son chemin sans réveiller Bardella. Il tourne la poignée tout doucement, comme s'il désamorçait une bombe, ouvre la porte millimètre par millimètre et réussit presque à se faufiler dehors quand une sonnerie retentit au fond de la chambre avec la délicatesse d'un glas.

Il sait qu'il fait une erreur en trouant la tête, le sent dans chacune de ses cellules, mais n'arrive pas à s'empêcher de regarder la catastrophe dans les yeux.

Bardella, ayant apparemment dormi tout aussi habillé, éteint son réveil et le regarde, ses yeux pleins de sommeil et d'interrogation.

— Je devrais y aller, dit Gabriel.

– J'ai mis un réveil pour vous réveiller, dit Bardella en même temps que lui.

Ils se regardent sous l'accompagnement de l'horloge, qui continue son tic-tac impitoyable.

– Vous avez mis un réveil? demande Gabriel. - Pour me réveiller?

– Ça ne fera du bien à personne, non? Bardella baille avec une aisance contagieuse, puis reprend : Si on se fait une grasse mat ensemble dans un village remplis de presse?

– Non, confirme Gabriel, un peu troublé par la logique. - Euh. Du coup j'y vais.

Bardella semble vouloir ajouter un truc, mais hésite, puis s'y lance brusquement dès que Gabriel détourne le regard :

– Vous ne voulez pas un café? Il y en a quelque part, enfin, je crois. J'ai pris un peu large. Le temps, je veux dire. Il est cinq heures.

Gabriel vérifie sur son portable - effectivement, cinq heures et trois messages non lus, déjà.

– Ça ira, merci, dit-il. L'idée d'un petit déj au café et aux conserves de thon lui retourne le ventre déjà pas mal retourné. - Il est vraiment temps que j'y aille.

– D'accord, ok. Bardella regarde partout, sauf dans la direction de Gabriel. - D'accord.

Gabriel hoche la tête et, enfin, s'en va.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 21 ⏰

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