Chapitre 3 : « L'ombre du passé»

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La fin de l’année scolaire approchait à grands pas, et avec elle, le poids des examens. Pour Anna, chaque jour se confondait avec le précédent, rythmé par les révisions, les cours et cette tension sourde qui ne la quittait jamais. Elle passait ses journées plongée dans ses livres, cherchant refuge dans le monde des chiffres et des dates historiques, là où les émotions n’avaient pas leur place.

Mais malgré toute sa concentration, une pensée revenait toujours la hanter : ce bal de fin d’année. Plus les jours passaient, plus cette soirée, qu’elle avait d’abord ignorée, prenait de l’importance dans son esprit. Ce n’était pas tant le bal en lui-même qui la préoccupait, mais ce qu’il représentait. Pour Anna, ce bal était devenu un symbole : celui de la fin d’une époque, d’un chapitre de sa vie. Et elle ne pouvait s’empêcher de se demander comment elle voulait clore ce chapitre.

Un soir, alors qu’elle était assise dans sa chambre, ses révisions étalées devant elle, son téléphone vibra. Elle le prit sans grande attention, pensant qu’il s’agissait d’une énième notification sans importance. Mais quand elle vit le nom de Julie apparaître à l’écran, elle fut surprise. Julie n’avait jamais vraiment été proche d’elle, et pourtant, depuis quelque temps, elle semblait essayer de nouer un lien.

Anna ouvrit le message, curieuse de savoir ce que Julie avait à lui dire.

« Salut Anna ! Je sais que tu es toujours indécise pour le bal. Écoute, je voulais juste te dire que si tu veux venir, on peut y aller ensemble. Pas besoin d’avoir une robe de princesse ou un partenaire. Ce qui compte, c’est de s’amuser. Dis-moi si ça te dit ! »

Anna resta un moment à fixer l’écran. La proposition de Julie était simple, amicale, mais elle soulevait tellement de questions. Pourquoi Julie s’intéressait-elle soudainement à elle ? Était-ce de la simple gentillesse, ou y avait-il autre chose derrière ? Et surtout, Anna était-elle prête à accepter cette invitation et à sortir de sa zone de confort ?

Elle laissa le message en suspens et reposa son téléphone. Elle n’était pas encore prête à répondre, ni à prendre une décision. Le bal était encore à quelques semaines, et pour l’instant, elle préférait se concentrer sur ses études.

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Les jours suivants furent marqués par la même routine. Anna se levait tôt, partait au lycée, passait ses journées à absorber un maximum de connaissances, puis rentrait à la maison pour continuer ses révisions. Pourtant, même au milieu de cette cadence effrénée, elle ne pouvait ignorer ce sentiment croissant au fond d’elle. Un mélange d’anticipation et de peur.

Chaque soir, elle croisait Élise, toujours plus rayonnante, toujours plus excitée à l’idée du bal. Leur père lui avait promis qu’elle serait la plus belle de la soirée, qu’il lui offrirait la robe de ses rêves, que tout serait parfait pour elle. Anna écoutait ces conversations avec un détachement apparent, mais au fond, elle sentait une pointe de tristesse. Pas tant parce qu’elle n’avait pas ce genre d’attention, mais parce qu’elle savait qu’elle ne la mériterait jamais, du moins pas aux yeux de son père.

Un soir, alors qu’elle était à table avec Élise et leur père, ce dernier se tourna vers Anna, un sourire léger sur le visage.

« Alors, Anna, tu iras au bal, toi aussi ? » demanda-t-il, presque distraitement, comme s’il se souvenait soudain de son existence.

Anna leva les yeux vers lui, surprise qu’il lui pose la question. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre. Elle savait que, quelle que soit sa réponse, cela n’aurait aucune importance pour lui. Pourtant, elle décida de jouer le jeu.

« Je ne sais pas encore, » répondit-elle calmement.

Son père hocha la tête sans insister, avant de se tourner à nouveau vers Élise pour discuter des derniers détails de sa tenue. Comme toujours, la conversation s’éclipsa aussi vite qu’elle était venue.

Après le dîner, Anna monta dans sa chambre, le cœur lourd. Chaque fois qu’elle essayait de s’intégrer, de se faire entendre, elle finissait par se rendre compte que cela ne changeait rien. Elle était invisible aux yeux de son père, une présence secondaire dans une maison où Élise occupait tout l’espace.

Elle s’assit à son bureau, mais cette fois, ses livres n’arrivaient pas à capter son attention. Elle se leva et se dirigea vers la fenêtre, regardant la nuit tomber sur le jardin. Tout semblait si calme à l’extérieur, si paisible, alors que son esprit bouillonnait de pensées contradictoires.

C’est alors qu’elle entendit un léger coup à la porte. C’était encore Madame Louise. Depuis quelques jours, l’aide ménagère semblait s’inquiéter pour Anna, sentant qu’elle portait un poids de plus en plus lourd sur ses épaules.

« Tu vas bien, ma chérie ? » demanda Madame Louise en entrant doucement dans la pièce.

Anna haussa les épaules, incapable de formuler ses émotions. Elle ne savait même pas par où commencer. Madame Louise s’approcha d’elle et posa une main réconfortante sur son bras.

« Je sais que ce n’est pas facile pour toi en ce moment, avec les examens et tout le reste… » commença-t-elle doucement. « Mais souviens-toi que tu n’as pas à tout affronter seule. Tu as des gens qui tiennent à toi, même si tu ne le vois pas toujours. »

Anna hocha la tête, les yeux rivés sur le sol. Elle savait que Madame Louise avait raison, mais cela n’effaçait pas ce sentiment d’isolement qui la rongeait de l’intérieur.

« Merci, » murmura-t-elle finalement. « Merci d’être là pour moi. »

Madame Louise lui sourit, un sourire plein de chaleur et de tendresse. « Je serai toujours là pour toi, Anna. Toujours. »

Puis elle se retira discrètement, laissant Anna seule avec ses pensées. La jeune fille resta debout devant la fenêtre encore un long moment, repensant aux paroles de Madame Louise. Peut-être qu’elle n’était pas aussi seule qu’elle le croyait. Peut-être qu’elle avait simplement besoin d’apprendre à voir les choses différemment.

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Le lendemain, au lycée, Julie l’attendait à l’entrée, un sourire radieux sur le visage. Elle semblait pleine d’énergie, comme si le monde entier lui appartenait.

« Salut Anna ! Alors, tu as réfléchi à ma proposition ? » demanda-t-elle avec enthousiasme.

Anna prit une grande inspiration avant de répondre. « Oui… Je pense que je vais y aller. »

Julie sourit encore plus largement. « Super ! On va passer une bonne soirée, je te le promets. »

Pour la première fois depuis longtemps, Anna sentit une petite étincelle de bonheur naître en elle. Peut-être que ce bal serait différent. Peut-être que cette soirée marquerait réellement un tournant dans sa vie. Mais elle savait aussi qu’elle devait prendre les choses à son rythme, sans se précipiter. Après tout, elle avait encore du chemin à parcourir avant de vraiment se libérer des ombres qui la suivaient depuis toujours.

Le reste de la journée, Anna se sentit légèrement plus légère. Les paroles de Madame Louise, l’enthousiasme de Julie, tout cela contribuait à lui donner l’espoir que, peut-être, elle pourrait enfin trouver sa place. Le chemin serait encore long et parsemé d’embûches, mais pour la première fois, elle se sentait prête à l’affronter.

Belle « Plus jamais Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant