E M I L Y

I

Le 16 octobre 2024

Coco, Liam, Alizée, Megan,

Nous sommes lundi, le dernier et sûrement le meilleur de ma vie.

C'est presque la nuit, c'est presque le début de la fin du jour, le début de la fin de mes jours.

Sur ce toit moche, je regarde le coucher du soleil et écris mon ultime lettre ; avalanche de rimes et mots sans queue ni tête. Si seulement je pouvais encore apprécier ces instant d'existence furtifs, ces moments fragiles et frais comme du cristal qui repartent aussitôt. Mais rien que cet air qui s'engouffre dans mes poumons suffit à me dégoûter. Alors je fais au plus vite histoire de ne pas vomir tout ce qui me reste de courage. Sauter. Sauter est la seule priorité mais je vous offre un peu de ce temps ou j'aurais pu mourir avec ces phrases marquées à la va vite.

Ces lettres finales comme frappées dans ma peau bien trop pâle, au terminus de mon existence.

Alors, avec mes pensées en prose, en gros tas bien bordélique, j'espère vous garder une petite part de mon âme quand vous serez trop triste. Une miette d'Orion quand vous me regretterez, pour guérir larmes et idées noires.

***

Je crois bien que si ma vie était un livre, cette soirée d'automne en serait le dernier chapitre. Non, ça ne serait sûrement pas un best-seller, plutôt un enchevêtrement de feuilles perdues dans une bibliothèque poussiéreuse. Toutefois, alors que vous croyez peut être que c'en est fini, il reste encore un endroit où n'avez pas lu, une page que tout le monde oublie, que la plupart considèrent inutile. Les remerciements. Par ce que vous, mes amis, vous avez tous fait pour me maintenait ici et que, malgré votre échec cuisant, je vous en suis reconnaissant.

Merci pour tout,

Merci Coco, pour ta rage de vivre avec laquelle tu aurais pu me contaminer, pour cette foi en le lendemain, pour ces rires et explosions de dents blanches. Merci d'avoir pris un peu de ta joie et de me l'avoir planté dans le cœur.

Merci Alizée, merci de soutenir Coco, de lui déposer ces bisous légers comme des papillons sur la commissure des lèvre. De la serrer dans tes bras quand ça ne vas pas. Merci pour ces silences compatissants, toi qui l'a vue mourir de tes propres yeux, toi qui à assisté au départ précipité de ma sœur, d'Emily. Merci de ne rien dire, de laisser sa mort sans mots, de ne pas la verbaliser par ce qu'au fond, ça aurait été encore pire.

Merci Liam. Merci pour ces blagues qui ne font rire absolument personne, pour toutes ces fois où tu a serré ma main tellement fort que j'ai cru qu'il allait falloir me l'emplâtrer. Merci de m'avoir donné tes épaules pour me reposer, merci de m'avoir confié ton visage souriant que je n'ai fait qu'entacher de larmes, malgré tout.

Et puis, merci Megan.

Merci de seulement regarder, de cacher ta propre souffrance pour ne pas me la faire subir, de ces doigts furtifs et discrets passés sur mon torse. Merci pour ces "je t'aime" déguisés en regards.

Merci pour toutes les fois où j'ai pu croire que l'amour que je te porte allait pouvoir me sauver.

***

Ça y est,

la pointe des pieds saluant le vide,

je peux presque l'apercevoir en funambule sur la ligne d'horizon.

Emily.

J'avance, le regard vissé à ce monde vu d'en haut.

Un monde gris qui,

pourtant,

parait s'éclairer dans la nuit noire et dense.

Je serre les poing, pince les lèvres,

aspire l'air,

le recrache.

Avance encore un peu.

Le vide me happe,

me tends ses mains et m'entraînera pour sur vers une absence de tout.

Ma poitrine se gonfle de larmes

tandis qu'une minuscule goutte d'eau sillonne ma joue.

Puis une autre.

C'est parfois  si dur de dire adieu

mais

je dois la rejoindre coûte que coûte.

En attendant j'observe.

Les buildings perforent les nuages,

les voitures zèbrent les routes,

les fenêtres sont les étoiles terrestres.

Mais je n'en suis pas une.

Ma place est loin dans l'espace et un peu dans les cœurs.

Alors, avec ces putains de violons qui jouent dans les moments tristes,

je saute.

***

Emy,

Je viens te retrouver, ma sœur. Cette fois, nous pourrons être heureux, je te le promet.

Orion.

BY ÖSSA