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Tout ce qui brille n'est pas or, selon notre société. Et pourtant, cette même société a imposé bien des choses, parfois au détriment de celles qui lui sont confiées.

Toutes ces règles, ces lois, ces conduites semblent suivre une seule et unique direction... La nôtre, celle des femmes, ou plus précisément des jeunes femmes – de celles qui, dès la conception, portent le chromosome X, contrairement aux malheureux qui n'en possèdent pas un, les fameux XY. Depuis des temps immémoriaux, notre rôle a été réduit à celui d'ornement, tel un diamant étincelant serti dans une parure exquise, façonné avec l'âme et le cœur de celui qui consacre tout pour matérialiser une beauté sous-estimée dans un simple morceau de carbone.

Mais un simple carbone ne peut se transformer en un magnifique diamant, une pierre précieuse dont la lumière, filtrée par le soleil, semble faire scintiller des milliers de petites étoiles. Ce petit rocher, une fois dépourvu de sa rigidité, de son ardeur, et même de sa laideur – une laideur qu'il ne se dépossède pas en une seule nuit – finit par révéler son éclat.

Rêvasser ne changera rien à la voie que j'ai choisie, ni à l'homme que j'ai choisi. Oui, cet homme qui, jadis, n'était encore qu'un garçon, alors que je n'étais qu'une fille, et non une jeune femme. La tête dans les nuages, le sourire innocent et légèrement figé, des fossettes s'enfonçant jour après jour tant il semblait usé d'être tant sollicité, le cœur battant à chaque minute de complicité, de rires et de promesses d'un bonheur infini...

— « Laia, réveille-toi donc, cinq minutes ! » s'exclama une voix.

Un sursaut me fit revenir brutalement à la réalité. Je me retrouvai face à une jeune femme au visage perlé de sueur, aux cheveux indisciplinés et au regard creux, semblant profond mais en réalité vide, tel une coquille abandonnée qui méprise la vie et tout ce qui s'y rapporte.

— « Arrête de me fixer comme si j'avais une bite dessinée sur le front et fais ton boulot ! » lança Dulcie avec véhémence.

Elle me cracha ces mots avant de tourner les talons, empoignant violemment un plateau débordant de nourriture. D'un souffle, je laissai échapper tout ce que je ressentais et me dirigeai vers les tables, arborant ce sourire que le temps m'avait appris à forger. Je déposai l'assiette et regagnai le comptoir, le cerveau en veilleuse, complètement perdu quant à ce qui se passait.

— « Tiens, ta part. » dit Dulcie en me tendant quelques billets froissés et tachés, ce maigre pourboire qui, malgré tout, nous aidait à tenir... ou peut-être à mourir un peu plus lentement.

Je rangeai maladroitement les billets dans mon sac et sortis, serrant ce dernier contre moi. Mon regard se posa sur ce fast-food paumé – certes, il en avait l'air, mais il était bien moins isolé que certains de ses clients. Étudiante étrangère, je n'avais d'autre choix que de travailler pour payer mon logement et mes études. Les maigres ressources que mes « parents » m'envoyaient suffisaient à peine, mais, au moins, elles témoignaient d'une présence, jusqu'au jour où ils cessèrent, faute de moyens.

Je pris une grande inspiration et repris ma route dans ce quartier bruyant de New York. Ici, les klaxons incessants des voitures se mêlaient aux bruits des chantiers interminables, à la fumée qui s'échappait des bouches d'égouts, aux flaques d'eau sur les trottoirs, aux ordures éparpillées, et au vent qui te frappait le visage. Partout, des flyers annonçaient la disparition de petits animaux domestiques. L'air lui-même te rappelait que tu étais mal tombé. Ce pays a, certes, son charme, mais on ne le découvre pleinement qu'en ayant les moyens ou en étant un rêveur passionné. Quant à moi, n'étant ni l'un ni l'autre, je ne vois, à chaque coin de rue, qu'un décor familier : des prostituées qui commencent à pointer le bout de leur nez, offrant leurs services à des prix insultants et absurdes. Qui pourrait leur en vouloir ? Il faut du courage pour endosser ce rôle : certaines le font pour subvenir aux besoins de leurs enfants, d'autres pour soigner un parent, et, malheureusement, beaucoup ne cherchent qu'à apaiser leur dépendance, titubant maladroitement dans une ruelle sombre pour retrouver leurs fournisseurs.

Le carbone:  𝑩𝒍𝒐𝒐𝒅 𝒗𝒆𝒏𝒐𝒎Où les histoires vivent. Découvrez maintenant