Velmorya

Une Porte entre deux Mondes

Les rues de Paris étaient baignées d'une lumière chaleureuse, les lampadaires projetant des halos dorés sur les pavés humides. Rose déambulait sans but réel, savourant l'agitation festive d'une nuit urbaine. Autour d'elle, la ville vibrait encore : des éclats de rire jaillissaient des terrasses, les klaxons résonnaient au loin, et des silhouettes pressées filaient sous les éclairages artificiels. Elle se sentait minuscule, elle se sentait faire partie d'un tout, dans l'anonymat, invisible. Elle aimait cette effervescence nocturne, ce chaos enveloppant qu'offraient la plupart des grandes villes.

Cependant, à mesure qu'elle avançait, un changement presque imperceptible s'installait. Les bruits familiers s'éloignaient, s'étouffaient, jusqu'à disparaître comme un écho dans l'abîme. Les terrasses autrefois animées étaient désormais vides. Le klaxon des voitures s'était tu, et les pas pressés des piétons n'étaient plus qu'un lointain souvenir. Le silence s'était installé, et avec lui, une étrange sensation de flottement.

Rose ralentit, l'air perplexe. Ce silence... Elle jeta un coup d'œil autour d'elle : les immeubles, les réverbères, les trottoirs... tout semblait identique, et pourtant méconnaissables. Elle reprit sa marche, ses pas se faisant plus lents, plus hésitants. Son regard glissait sur les bâtiments éteints, les fenêtres closes, comme si la ville s'était évanouie, la laissant seule dans ce paysage déserté et maintenant brumeux. Où était passée la foule? Ce n'était plus la ville qu'elle connaissait.

Ses pas l'amenèrent, presque mécaniquement, vers une petite ruelle qu'elle n'avait jamais remarquée auparavant. L'étroite allée était plongée dans l'ombre, ses murs usés par le temps, et au bout se dressait une porte. Une immense porte en bois sculpté, encadrée de deux colonnes de pierre. Elle ne lui était pas inconnue, il lui semblait l'avoir déjà vue en rêve.

Rose s'approcha, irrésistiblement attirée par son étrange beauté. Elle la contempla, dans les moindres détails. Le bois était noirci par les âges, chaque planche semblait porter en son essence les murmures d'histoires oubliées. Son encadrement, fait de pierres grossièrement taillées, formait un arc dont la pointe était magnifiquement ornée d'arabesques. Des symboles d'une autre époque se faufilaient le long des deux battants, telles des énigmes. Le bois semblait luisant et vibrant sous la lumière diffuse d'un unique lampadaire, comme s'il s'agissait d'une invitation. Comme si cette porte n'attendait que l'âme curieuse qui oserait dévoiler les secrets qu'elle renfermait.

Elle hésita un instant, puis tendit la main. Sous ses doigts, la surface du bois était étrangement tiède, comme vivante. La porte s'ouvrit dans un grincement qui ferait frémir n'importe qui. Un souffle mordant s'engouffra dans la ruelle, entraînant Rose avec lui dans un fracas.

Rose chuta un mètre plus loin, se retrouvant à genoux les mains enfouies dans une matière moelleuse et humide. Elle regarda ses mains tremblantes. Une odeur agréable d'humus frais s'en dégageait. Où était-elle? Était-ce un rêve? Elle leva les yeux, déconcertée. Une forêt s'étendait à perte de vue, ses arbres tordus et imposants s'élevant vers le ciel éclairé d'une pleine lune éclatante. Le vent faisait danser les branches, projetant des ombres inquiétantes dans l'obscurité environnante. Le sol était tapissé d'une mousse verdoyante malgré la pénombre, et de champignons qu'elle n'avait jamais vus. Le tableau lui semblait trop parfait.

Son cœur battait à tout rompre. Comment était-elle arrivée ici ? C'était invraisemblable. Pourtant, l'air glacé sur sa peau, le bruissement des feuilles, l'odeur de la terre... tout semblait d'une effrayante réalité. Elle se releva, désorientée, et se mit à marcher prudemment, cherchant sans grand espoir, la porte par laquelle elle était arrivée. Mais autour d'elle, il n'y avait que silence et ténèbres.

Une faible lueur perça à travers les tronc noueux, vacillante comme les flammes. Était-ce un mirage? Rose n'avait guère le choix, elle devait avancer.