Chapitre 1 - Le Havre de Belham

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Descendant du bus, sa valise usée traînant derrière lui sur le trottoir, ce garçon du nom de Sabichi Yusuka se tenait là. Il n'était jamais venu dans cette ville avant, et tout ici lui semblait étranger, même les odeurs de la rue: un mélange de pluie, de fumée et de quelque chose d'indéfinissable. Le ciel, d'un gris morne alors qu'on devinait le soleil en train de se coucher, ne laissait filtrer que peu de lumière. Les immeubles autour de lui semblaient s'élever comme des spectres austères, chacun gardant ses secrets derrière des fenêtres sombres.

Il réajusta son sac à dos sur son épaule et balaya la rue du regard. Les quelques passants qui marchaient tête baissée, pressés, ne prêtaient aucune attention au nouvel arrivant. Pour eux, Sabichi n'était qu'un visage parmi tant d'autres, un inconnu parmi les ombres de cette ville aux allures anonymes. Il préférait cela, de toute façon. Les regards curieux, il les évitait depuis longtemps.

À quelques mètres de lui, une femme d'âge moyen, les traits tirés par la fatigue, poussait une vieille poussette contenant un chien minuscule qui aboyait de temps en temps pour attirer l'attention. Un homme en costume cravate, un portable collé à l'oreille, passait à grandes enjambées, s'engouffrant rapidement dans une ruelle sans même lever les yeux. Sabichi suivit un instant la silhouette du professionnel qui disparaissait dans l'étroite allée, puis reporta son attention sur sa destination.

L'adresse qu'on lui avait donnée, noté sur une simple feuille pliée dans sa poche, indiquait une grande bâtisse de briques rouges et de bois abimé située un peu plus loin dans la rue. Ce n'était pas un hôtel, pas tout à fait une auberge non plus, mais plutôt un mélange étrange de résidence temporaire et de centre communautaire. Un genre de refuge rustique qui a vu les âges affiner les rides des pierres cailleuses et le bois qui s'effritait. Le genre d'endroit où les gens venaient, restaient un temps, puis repartaient comme ils étaient venus sans laisser de traces. Le lieu avait un nom, gravé sur une plaque de métal ternie par les années : "Le Havre de Belham."

Il s'arrêta devant l'entrée, hésitant un instant avant de pousser la lourde porte en bois massif. Un grincement long et aigu résonna dans le hall presque désert, attirant le regard du vieil homme assis derrière le comptoir d'accueil. Ses lunettes épaisses lui donnaient un air de hibou, et il semblait jauger Sabichi avec une certaine curiosité dissimulée sous un masque d'indifférence.

- "Bonjour," murmura Sabichi, sa voix résonnant faiblement dans le hall spacieux.

Le vieil homme inclina la tête en guise de salut, ajustant ses lunettes d'un geste mécanique.

- "Vous êtes nouveau ici, je suppose ?"

Sabichi hocha la tête en silence, déposant sa valise au sol avec un soupir à peine audible. Le vieillard fit un signe de la main, l'invitant à s'approcher.

- "Les nouveaux venus doivent s'inscrire," expliqua-t-il en tirant un grand registre de sous le comptoir. "Nom ?"

- "Yusuka Sabichi," répondit-il, en fixant le bout de ses chaussures.

Le vieil homme nota le nom d'une écriture soignée, puis leva un regard perçant vers lui.

- "Première fois à Belham ?"

Sabichi acquiesça de nouveau, ne sachant trop quoi dire. Il avait l'impression que chaque mot échangé alourdissait un peu plus le poids de sa solitude. Le vieil homme, semblant sentir le malaise de son interlocuteur, reposa son stylo avant de lui tendre une clé.

"Chambre 23. Deuxième étage. C'est une petite chambre, mais elle est tranquille. Les autres locataires sont discrets, chacun vaque à ses occupations. Vous trouverez le nécessaire pour votre séjour. Et si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis toujours ici."

MAOU NO GEMU - Le Jeu du Roi DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant