Chapitre 2

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Ça dépasse les crevettes pailletées.

Monica

J'enfile la longue jupe noire plissée que m'a prêtée Romary et me voilà un minimum apprêté pour ce qui m'attend. Je jette un coup d'œil autour de moi pour être sûre d'être seule, puis pars m'observer dans le miroir rectangulaire que ma nouvelle colocataire farfelue a posé à gauche de la porte d'entrée en bois brut.

Le style que je porte est à la fois le mien, et en même temps plusieurs choses rendent ce look unique et un peu dérangeant. La longue jupe est plutôt moderne, comme on peut en retrouver sur la terre ferme mais sa matière est plus rêche car totalement composée d'algues. Dessous, Romary m'a prêtée une paire de bottes en cuir qu'elle avait trouvé dans un vide grenier maritime, sans jamais trouver l'occasion de les porter, tout comme la ceinture en grosses pièces dorées qui tombe joliment sur mes hanches. Quant au haut, j'ai du mal à croire que ce joli t-shirt blanc et le blanc crème à manches longues que je porte en dessous sont de la même matière que la jupe.

En fait, d'après ce qu'elle m'a décrit avant de m'abandonner pour aller voir la directrice, tout ce qui compose ma tenue est en algue sauf les bijoux qu'elle m'a donné et mes bottes qui sont de la récupération. « Pour passer pour une Drecean, il faut que sa brille » elle m'a dit en riant.

Le problème, c'est que je ne sais toujours pas ce que ça signifie.

En réfléchissant un peu quand j'essayais d'enfiler les trois tonnes de colliers dorés autour de mon cou, j'ai compris que Romary est donc une Alopian. J'ai retenue les deux races mais pas les autres qui sont trop complexes et dont je n'arrive pas à me faire une image précise comme je ne sais absolument pas à quoi ça ressemble. En faisant la liste dans ma tête, je suppose qu'un ou une Alopian — je ne sais pas trop si les genres sont comme nous ici — porte une queue toute fine et piquante, qui dégage du poison plus ou moins puissant. J'en ai fait les frais, et savoir que normalement cette espèce maitrise la dose me rassure un peu — si j'oublie que je suis à des dizaines de kilomètres sous l'eau avec des humains-poissons qui parlent.

En plus de cette queue dont l'usage est... particulier, elle a des branchies sur les bras et surtout des tonnes de points sur le visage, le cou, les coudes et sûrement les genoux si on reste logique. Sa peau est blanche mais reste plutôt cohérente si on part d'une peau humaine. Son visage et son corps en général reste aux mêmes proportions et standards d'une femme chez nous.

—    Mon téléphone...

Comme si une petite lumière s'allumait dans ma tête, je retourne vite vers mon pantalon que j'ai abandonné sur le lit derrière moi, cherchant dans les poches le précieux objet qui pourrait me ramener chez moi. Je suis totalement idiote de ne pas y avoir pensé plus tôt même si, si Romary dit vrai, je ne pense pas avoir de la connexion sous l'eau malgré l'air ambiant qui nous entoure. Je me redresse d'un coup, constatant qu'il n'y a pas de portable là-dedans, puis cherche du regard mon manteau noir, celui que m'avait passé William pendant la traversée.

Attends...

Une vive douleur réveille mon cerveau tandis que le flash de ce qu'il s'est passé ravive mon esprit. Je me souviens vaguement de mon oncle me tendant un manteau noir bien trop grand et chaud pour moi alors que nous étions tous les deux dans un... truc. Je ne sais pas vraiment ce que c'était, peut-être un avion ? Mon oncle portait des lunettes d'aviateur donc... Mince. Je n'arrive pas à voir où j'étais.

Tant pis, je passe une main tremblante sur mon front en soulevant ma courte frange, je suis brûlante. Merde, j'espère que je n'ai pas de la fièvre ou un truc du genre parce que je ne sais même pas s'il y a des médicaments ici.

The abyss inside {en pause}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant