Chapitre 2

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Lucie ne pouvait pas le nier, ils avaient de la classe. L'élégance un peu pompeuse et stricte des gens bien nés. Mais ce n'était pas le moment de se faire cramer !

— Il ne faut surtout pas qu'ils me voient, continua Lucie, à voix basse. Sinon, la mission tombe à l'eau. C'est trop tôt pour qu'il me remarque. Si elle m'aperçoit, la cliente va se figer et il va mémoriser mon visage, même inconsciemment.

Qu'est-ce qu'il faisait chaud dans cette cabine ! Et cette fichue robe qui s'était mise à la coller ! Il fallait qu'elle respire un bon coup et qu'elle fasse confiance à son professionnalisme pour se sortir de là sans compromettre la mission. Pourquoi perdait-elle ainsi son sang-froid ? Ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouvait en fâcheuse posture.

Elle jeta un dernier regard dans le miroir avant de retirer les vêtements – ceux-là, elle les achèterait. Enfin... Si elle arrivait à s'extirper incognito de la cabine !

Allez, Lucie, remets-toi dans la peau d'une détective, se morigéna-t-elle. Au bout de cinq respirations, le tout accompagné d'un petit pep-talk visant à activer le mode « pro », elle était fin prête. Elle effleura la paroi de la cabine et glissa ses doigts de l'autre côté du rideau. Elle tapota trois fois pour attirer l'attention de Charline.

— La voie est libre. Ils sont passés au rayon homme, la rassura cette dernière.

Juste ce qu'il lui fallait. Elle adopta une posture simple et détendue, comme on leur avait appris en formation. Une démarche anodine, sans chercher à se cacher ni à en faire trop, était la meilleure façon de fendre une foule sans se faire remarquer. Les gens étaient souvent trop centrés sur eux-mêmes pour faire attention à une tierce personne.

Lucie sortit enfin de la cabine et fourra les vêtements dans les bras de sa patronne tout en lui murmurant :

— Le café, 3 numéros plus bas, sur la gauche.

Charline hocha la tête et suivit Lucie vers la sortie. Tandis que Charline, tout en regardant discrètement autour d'elle, se rendait en caisse, son employée se faufila hors du magasin, sans omettre de lâcher un « au revoir » d'une voix à peine plus flutée que la normale.

Moins de cinq minutes plus tard, Charline se laissait tomber sur une des chaises du salon de thé. Un gobelet en carton l'y attendait.

— Au moins, tu as visé juste niveau style vestimentaire ! rigola sa patronne en lui tendant un sac rempli de ses nouveaux vêtements. Le ticket de caisse est à l'intérieur.

Lucie la remercia.

— Bon ! Je sais qu'on avait prévu de faire d'autres boutiques avant de prendre l'apéro, mais qu'est-ce que tu dirais d'une petite session de filature pour nous ouvrir l'appétit ?

— J'en étais sûre, soupira Charline.

— Rien ne t'oblige à rester, hein ! Je sais que ta journée est finie et que tu as autre chose à faire que de prolonger le travail.

Sa patronne expira bruyamment, avant de jeter un regard en direction de la vitrine qu'elles venaient de quitter.

— Le pire, c'est que je n'ai littéralement rien d'autre à faire ce soir. Personne ne m'attend.

Lucie se laissa aller contre le dossier de sa chaise :

— Super ! C'est moi qui...

Lucie se leva d'un bond, sans terminer sa phrase. Elle passa son sac sur l'épaule, empoigna sa boisson et fit signe à sa patronne de faire de même.

— En tout cas, c'est clair que ce n'est pas ultra chaleureux entre eux, chuchota Charline.

— Tout le monde n'aime pas se donner en spectacle, rétorqua Lucie, qui détestait par-dessus tout les démonstrations d'affections publiques.

Coeurs sous couvertureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant