Chapitre 3

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Lucie jeta un regard circonspect à son reflet, que lui renvoyait la vitrine d'un magasin de chaussures. Cette nouvelle coupe de cheveux la changeait du tout au tout. Entre son carré mi-long un peu strict et ses vêtements très chichi-pompon, Lucie s'était métamorphosée en un vrai membre de la bourgeoisie montpelliéraine.

Elle était désormais prête à entrer en contact en bonne et due forme avec Côme de Belcourt. Elle avait sélectionné un des établissements que semblait fréquenter sa cible — un bar huppé du centre-ville — et s'y rendit. Une fois sur place, elle composa le numéro de monsieur de Belcourt. Le téléphone sonna. Elle inspira un grand coup puis expira lentement. Deuxième sonnerie. Pas de réponse. Troisième sonnerie dans le vide. Lucie commençait à se dégonfler. Quatrième sonnerie. La tonalité changea et un frisson électrisa la détective.

— Côme de Belcourt à l'appareil.

La façon dont il prononça son nom était pleine d'assurance.

— Bonjour, monsieur de Belcourt. Lucie Gerberrac à l'appareil. Vous m'avez laissé un message concernant une carte de bibliothèque égarée.

Elle trouva sa propre façon de parler très surfaite. Il lui faudrait encore quelques minutes pour plonger dans ses souvenirs et parfaire sa nouvelle personnalité. Ses années les plus formatrices, du primaire à la terminale, s'étaient déroulées au sein du meilleur établissement scolaire montpelliérain. Comme un cheveu au milieu de la soupe, elle s'était retrouvée à étudier auprès des plus vieilles familles de la ville, celles qui se réunissaient le dimanche à la messe ou dans les rallyes dansants très sélects. Elle allait désormais tirer le meilleur parti de ces années-là et infiltrer leur monde. Elle visualisa donc ses anciens camarades ainsi que leurs parents, puis se força à garder leur image imprimée dans sa mémoire tandis que son interlocuteur lui répondait :

— Ah, oui ! Madame Gerberrac. Comment voulez-vous procéder pour récupérer votre carte ? Peut-être travaillez-vous dans l'Écusson ? Si tel est le cas, nous pourrions convenir d'un jour et d'une heure.

Côme de Belcourt n'avait rien d'un dragueur. Certes, Lucie ne savait pas trop comment les hommes agissaient dans ces sphères-là, mais le flirt restait du flirt. Et là... C'était aussi aride que le désert du Sahara. Pas même une mini étincelle de charme dans sa voix. Non, c'était très professionnel, très lisse. Pas franchement de quoi lui offrir une ouverture.

— J'ai bien peur d'avoir besoin de ma carte dès demain, lâcha-t-elle avec un soupir exagéré. Veuillez me croire quand je vous dis être extrêmement gênée de vous mettre devant le fait accompli. Malheureusement, je me dois de vous demander si vous êtes disponible aujourd'hui.

Elle regarda sa montre. Il était presque 19 h. L'heure parfaite pour son plan.

Lucie entendit Côme se racler la gorge. Elle l'avait visiblement pris au dépourvu, mais elle faisait confiance à son instinct. Il était trop bien éduqué pour laisser quelqu'un dans la panade.

— Très bien, finit-il par prononcer.

Elle profita d'un moment de flottement de sa part pour lui piquer la parole :

— Je suis actuellement au bar l'Élytre de l'hôtel Richer de Belleval. Je dois y retrouver quelqu'un sous peu. Est-ce que, à tout hasard, vous vous trouveriez non loin de là ?

— Place de la Canourgue ?

Lucie feignit la surprise :

— Vous connaissez ?

— Tout à fait, répondit Côme de Belcourt, un peu déstabilisé.

Il devait se demander s'il l'avait déjà aperçue là-bas.

Coeurs sous couvertureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant