Le Fil Rouge | Tome 1

Chapitre 2: Solitude

Rin Asano

Le même jour, 21h30 - Quartier du bas

Je ne pensais pas finir de manger si vite. J'avais acheté des sandwichs et un soda à la supérette près du lycée, prétextant à Kiyoko que je les mangerais à la maison. Je ne voulais pas qu'elle s'inquiète. Elle ignorait que, depuis quelque temps, j'avais cessé de manger chez moi et que je préférais dîner dehors.

Le banc sur lequel je m'asseyais chaque soir était le seul endroit où je trouvais un peu de tranquillité. J'avais déjà essayé de manger dans ces supérettes, celles dans lesquelles je pouvais réchauffer des plats au micro-ondes, mais les gens qui rôdaient là-bas me dégoûtaient. Entre les drogués, les ivrognes, et les tarés, je préférais encore manger froid.

En me levant du banc, je ramassais mes déchets et les jetais à la poubelle. J'avais une envie de rentrer à la maison comme de me pendre. Je n'aimais ni l'endroit, ni la personne qui se trouvait à l'intérieur.

Chaque année, je trouvais presque ironique de devoir remplir les dossiers scolaires en précisant que j'avais un "responsable légal". Un "père". Ce salaud m'ignorait depuis huit ans. La moitié de ma vie. Il n'avait jamais aimé que ma mère. Et depuis qu'elle s'était barrée, il n'y avait plus personne à aimer. Ou peut-être que si. Il restait toujours l'alcool.

En marchant le long des maisons, je reçu un message de Moe.

De Moe: J'ai besoin de voir ton gros corps allongé dans ton lit pour pouvoir dormir en paix. Dépêche-toi.

Sa demande me fit esquisser un sourire. Elle connaissait ma situation. Je n'avais pas cru qu'elle pourrait deviner, mais me voir acheter des sandwichs tous les soirs avait éveillé ses soupçons. Depuis, elle me contactait chaque soir pour vérifier où j'en étais et ce que je faisais.

En arrivant devant chez moi, j'ouvris la porte sans attendre. Le bruit de la télévision fut la première chose que j'entendis. Comme à chaque fois, il m'informait de sa présence.

Je détestais cette maison. C'était littéralement un carré composé de quatre pièces : une mini-cuisine combinée avec le salon, deux chambres, et une salle de bain. Ma chambre se trouvait juste en face du salon, à côté de la sienne.

Aucune lumière n'était allumée, seule la lueur de l'écran de télévision éclairait le salon. Il semblait absorbé par l'émission, une bière à la main, le regard rivé sur l'écran comme s'il lui devait de l'argent. Il était en survêtement, allongé sur le canapé, et ne sembla pas remarquer mon arrivée. Mais, étant donné qu'il m'ignorait habituellement, je ne pouvais pas en être certain.

Je me dirigeais vers ma chambre en veillant à fermer la porte avec le cadenas. À dix ans, j'avais installé ce cadenas après avoir vu un tutoriel en ligne, par peur qu'il me frappe. Il buvait tellement qu'il cassait tout ce qui se trouvait sur son passage. Aujourd'hui, je savais qu'il n'oserait jamais vraiment entrer, mais je me sentais plus en sécurité ainsi. C'était comme si je vivais avec un inconnu, de toute façon.

Je m'affalais sur mon lit et pris une photo de moi pour l'envoyer à Moe. Elle répondit dans la seconde.

De Moe: Mets-toi en pyjama !! Bonne nuit <3

Je lui souhaitais une bonne nuit en retour. J'avais eu beaucoup de mal à admettre que j'avais besoin de quelqu'un dans ma vie, mais maintenant, je ne savais pas comment je ferais sans Moe. Au début, je pensais que nous ne nous entendrions jamais, que nos mondes étaient trop différents, mais le temps passé ensemble m'avait prouvé le contraire.