PROLOGUE : BIANCA

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Hood Mountain, Oregon - 22/12/2022


L'air glacé qui emplit mes poumons brûle les parois de ma trachée sur son passage. Presque au même moment, mes bronches s'embrasent à leur tour et le souffle qui s'en échappe me donne l'impression de cracher du feu.

Mais je n'arrête pas de courir.

Même si ma cage thoracique est si douloureuse qu'elle semble sur le point d'exploser. Chaque nouvelle inspiration est plus déchirante que la précédente et chacun de mes battements cardiaques est si violent qu'il paraît à chaque fois être le dernier.

Je suis à bout. Je voudrais lâcher prise. Tomber. Succomber.

Flancher et m'étaler dans la neige pour que la brûlure dans ma poitrine cesse.

Parce que c'est trop dur.

Mais je ne peux pas. Je dois continuer à respirer. Je dois continuer à courir. Même si mon cœur finit par me lâcher en chemin.

Parce que j'ai trop peur.

Devant moi, il n'y a que des arbres à perte de vue. La forêt se densifie et assombrit ma vision en même temps que mes perspectives de survie. Aucun espoir de ce côté là. Que faire d'autre ? Je n'ai pas le choix.

Derrière moi, c'est la mort assurée.

Dans ma course effrénée, je peux l'entendre se rapprocher vélocement, et inexorablement de moi. Je n'ose même pas me retourner tellement je suis terrifiée. Mais être glacée d'effroi m'empêche de ressentir mes pieds transis de froid.

Alors je cours de plus belle, avec un nouvel élan.

Soudain, une lueur rougeoyante filtre à travers les branches des immenses sapins qui surplombent l'horizon, et m'éblouit. C'est l'aurore.

Un nouveau jour se lève pour me signifier avec ironie que ce sera pour moi le dernier.

Puis, c'est le chaos. Le choc. Le coup de canon. Aussi brutal qu'une voiture qui percute un animal au beau milieu d'une autoroute.

Je m'affale dans la poudreuse, heurtée de plein fouet dans le dos par une masse écrasante, sous les rayons lumineux de ce putain de lever de soleil qui se montre enfin, pour éclairer ma fin. Comme un projecteur sur la scène d'une tragédie grecque au théâtre, qui vient mettre en lumière un assassinat sanglant et cruel.

Mon cri est étouffé par les flocons de neige qui remplissent ma bouche et mon nez.

Je tousse pour les expulser en même temps que mon corps est malmené par des crocs et des griffes.

Haletante, je me retrouve sur le dos et face à face avec la mort.

Je n'ai plus la force de me débattre.

Cette fois, les battements qui tambourinent dans ma poitrine ne sont pas seulement puissants, ils s'accélèrent de plus en plus. Mon cœur bat à tout rompre. Il cogne si fort et si vite que je n'entends plus que lui.

Avec les pupilles dilatées et les tempes qui pulsent, je contemple avec horreur la bête monstrueuse qui m'a poursuivie sans relâche, et qui gronde dangereusement à quelques millimètres seulement de mon visage, tel un démon tout droit sorti de l'enfer, tout crocs dehors, les babines dégoulinantes de bave, et les yeux luisant de férocité.

Je suis foutue. Il va m'arracher les entrailles et me dévorer toute entière.

Je ferme les yeux et les serre fort par anticipation.

J'ai juste le temps d'entendre un grognement sauvage avant qu'une intense douleur ne me perfore la gorge.

Ce supplice me fait perdre la tête, je l'agite de droite à gauche, incapable de supporter les sensations qui affluent en force dans mon corps.

Le froid.

La souffrance.

Le désespoir.

Puis, étonnamment, la chaleur.

Mêlée à une sorte de... plaisir ?

Aussitôt, mon corps est secoué de spasmes intenses.

Ce doit être ce qu'on ressent quand on franchit le seuil de la vie au trépas.

Une jouissance ? Une délivrance ? Oui, c'est sûrement ça...

Submergée par cette fièvre fatale, je ne peux toujours pas contrôler les mouvements anarchiques de ma tête. Je lâche enfin prise et me laisse aller. Mon regard passe soudain du blanc pur et immaculé de la neige, au noir total absolu et infini de la mort.

Les loups de Hood Mountain TOME 1 HUNTER - PARTIE 1 Promenons-nous dans les boisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant