Chapitre 2

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Anakin Spencer

- Tu dois réapprendre, Anakin, ce n’est rien de grave, ça arrive après un traumatisme.

L’herbe touche mes pieds nus et semble réveiller mes sens d’une façon que je pense agréable.

- Ferme les yeux. Concentre toi sur tout ce que tu peux percevoir.

Je fais ce qu’elle me dicte. Est ce que c’est vraiment ridicule ? Ils disent que ça m’aide. Je ne vois pas de changement. On dit que je suis malade.

- Le vent sur ton visage par exemple, ou l’odeur du pollen qui s’envole. Tu peux écouter les grillons ou l’herbe qui bouge. Reconnecte toi avec ton corps.

J’essaye de sentir tout ce qu’elle m’affirme sentir. Pourquoi est-ce que je sens de la mûre d’un coup ? Où est passé le pollen ?
Démuni par cette odeur qui vrille mes sens déjà bien trop endommagés, je tangue sur mes pieds comme ci je me trouvais sur un bateau. Je perçois mon âme quitter mon corps alors que je heurte l’herbe avec violence, les larmes coulant de mes yeux me brûlent les rétines. Je suffoque alors qu’une chevelure brune refait surface dans mes iris.

Je la revois rire, me sourire. Je la revois danser dans cette magnifique robe alors que son dos se colle près de mon torse. J’hume son parfum de mûre et me laisse engloutir par cette douce couverture de souvenir.

Je fuis, parce que je n’ai plus le courage de voir la réalité en face. Mon cerveau n’a plus la force de me ramener au rivage.

Soudainement, une vague glaciale balaie d’un geste violent mon cocon réparateur.

- On se réveille, Anakin.

La voix de ma maman de cœur me sort de ma torpeur et la réalité affaisse de nouveau mes épaules alors que mes yeux enlèvent la musique du cabaret et la remplace par une vision brouillonne d’un jardin.

- Respire, maintenant. Ouvre la bouche et inspire. Laisse l’air rentrer dans tes poumons, ne t’en prive pas.

Je voudrais vraiment en être capable. Alors pourquoi ma bouche et mon nez refuse de s’ouvrir ? Tu ne mérites pas de vivre. Tu ne mérites pas de respirer.
Tu ne mérites pas d’aller mieux, d’être capable de t’envoler alors qu’on lui a déchiré les ailes. Ton âme souille la sienne.

- Tu as le droit de respirer, même après ce que tu as fait. Tu as le droit de vivre. Elle n’est pas morte, Anakin. Toi, par contre, tu en es au bord. Tu dois vivre pour elle. Le héros se relève toujours, répète avec moi.

Je suffoque alors que ses paroles s'imprègnent dans mon cœur. Je me concentre sur sa dernière phrase, qu’elle répète en boucle. Et, miraculeusement, j’arrive à caler ma voix sur la sienne.     

- Le héros se relève toujours.

Je respire à nouveau, accueillant avec douleur l’air s'infiltrant dans mes poumons trop mis à l'épreuve.

- Et si je suis un méchant ?

Ma voix rauque et usée résonne dans l'air, je n'arrive même pas à ne pas détester ma propre voix. Je ne devrais pas vivre.

- Dans cette histoire, Anakin, il n’y a pas de méchant. Il y a ceux qu'on peut encore sauver et ceux qui n’ont pas eu la chance d'être aidés.

Il y a ceux qu’on peut encore sauver.
Elle en fera partie. Je la sauverais.
D'un geste lent, je pose mes mains sur l’herbe et me relève en sifflant de la douleur qui possède mes membres.

- C'était mieux, d'accord ? Tu as tenu plus longtemps, ne désespère pas.

Je tourne mon regard vers Nini, la femme qui tient le cabaret où j’ai dansé et embrassé pour la première fois celle qui détient mon coeur.

𝐇𝐔𝐃𝐒𝐎𝐍 - tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant