Chapitre 1 : Naissance d'une identité
Il était une fois Charli et Clémence étaient des jumeaux inséparables, vivant dans un petit village paisible niché au cœur des collines. Le village, entouré de champs de blé dorés et de vergers en fleurs, respirait la tranquillité. Leur maison, une grande bâtisse en pierre ancienne, avait appartenu à la famille depuis des générations. Avec ses volets verts, ses murs couverts de lierre, et son jardin plein de fleurs sauvages, elle donnait l'impression d'un refuge paisible où le temps semblait s'être arrêté.
Leur père, Marc, travaillait comme artisan local, réparant des meubles et créant des pièces uniques pour les habitants du village. C'était un homme de principes, au caractère un peu rigide, qui valorisait la tradition et les rôles établis. Leur mère, Sophie, était tout l'inverse : douce, compréhensive, et aimante. Elle passait ses journées à s'occuper de la maison et à cultiver un petit potager derrière la maison. Pour elle, la famille passait avant tout, et ses enfants représentaient son trésor le plus précieux.
Charli et Clémence avaient une relation particulière, au-delà des liens habituels des jumeaux. Ils partageaient tout : leurs jeux, leurs secrets, et leurs rêves. Dès leur plus jeune âge, ils couraient ensemble dans les champs qui bordaient la maison, grimpaient aux arbres ou se baignaient dans la rivière voisine. Si Clémence aimait particulièrement les jeux imaginaires où elle devenait une princesse ou une reine, Charli, lui, la regardait toujours avec une étrange mélancolie. Il aimait jouer avec elle, mais sentait au fond de lui que quelque chose ne collait pas.
Un jour, alors qu'ils jouaient dans leur chambre mansardée, une pièce pleine de lumière où le soleil projetait des ombres douces sur les murs, Clémence proposa de jouer à leur jeu favoris : « Le roi et la reine ». Elle s'empara immédiatement de la couronne en carton, signe qu'elle serait la reine. Charli, lui, devait jouer le rôle du roi avec une vieille cape rouge trouvée dans une malle. Mais cette fois, il s'arrêta et la regarda d'un air pensif.
— « Clémence, tu crois qu'un garçon peut être une reine ? » demanda-t-il en tripotant le bout de la cape.
Clémence, toujours pleine de fantaisie, éclata de rire.
— « Bien sûr que oui ! Qui dit que les garçons ne peuvent pas être des reines ? On peut être ce qu'on veut, dans nos jeux ! »
Elle lui tendit alors la couronne.
— « Allez, aujourd'hui, c'est toi la reine ! »
Charli hésita un instant, avant de saisir la couronne avec un sourire émerveillé. Il l'enfila sur sa tête, et pendant un moment, il se sentit léger, presque libéré. Ils passèrent l'après-midi à jouer à ce jeu, et Charli, dans son rôle de reine, ressentit une joie et une paix qu'il n'avait jamais éprouvées avant.
Ce sentiment restait avec lui même après les jeux. Le soir, allongé dans son lit, il rêvait souvent qu'il était une fille. Il imaginait ses cheveux longs, comme ceux de Clémence, flottant autour de lui. Il rêvait de porter des robes colorées et de jouer à être une princesse, sans que personne ne le regarde étrangement. À mesure que les années passaient, ces rêves devinrent de plus en plus forts, et Charli commença à comprendre que ce qu'il ressentait n'était pas simplement un jeu.
Chapitre 2 : La Robe de Clémence
Quelques années plus tard, alors qu'ils avaient tous les deux dix ans, les choses devinrent plus compliquées. Charli sentait de plus en plus qu'il n'était pas tout à fait comme les autres garçons. À l'école, il préférait jouer à la marelle avec les filles, ou inventer des histoires de princesses et de fées plutôt que de se joindre aux bagarres et aux courses des autres garçons. Les autres élèves commencèrent à le remarquer et à se moquer de lui.
Leur école était située dans leur village, un bâtiment en pierre avec une grande cour de récréation. Le matin, Charli et Clémence marchaient main dans la main jusqu'à l'école, profitant de la fraîcheur de l'air et de la tranquillité de la campagne environnante. Les enfants du village se rassemblaient chaque matin devant les grandes portes en bois de l'école, et c'était là que Charli ressentait le plus les regards des autres garçons. Ils le regardaient toujours d'un œil curieux, parfois méprisant, surtout lorsqu'il préférait s'asseoir avec les filles pour discuter de leurs jeux préférés plutôt que de jouer au football avec eux.
Un après-midi, après une journée particulièrement difficile où un groupe de garçons s'était moqué de Charli en l'appelant « fillette », il rentra à la maison en pleurant. Clémence, qui l'attendait dans leur chambre, l'observa silencieusement pendant qu'il jetait son sac dans un coin et s'asseyait sur le lit, la tête baissée, ses épaules secouées par des sanglots silencieux.
— « Pourquoi tu pleures ? » demanda-t-elle doucement en s'asseyant à côté de lui, posant une main réconfortante sur son épaule.
Charli essuya ses larmes avec la manche de son pull, le visage encore rouge de colère et de honte.
— « Les autres garçons disent que je suis bizarre, que je suis une fille déguisée en garçon. »
Clémence fronça les sourcils, son visage s'assombrissant d'incompréhension. Elle n'aimait pas que les autres s'en prennent à son frère, surtout sans raison valable.
— « Mais pourquoi c'est mal d'aimer des choses de filles ? » demanda-t-elle avec une innocence désarmante. « Moi, j'aimerais bien avoir un frère qui me ressemble. Tu sais, on pourrait être des jumelles pour de vrai ! »
Charli leva les yeux vers elle, surpris par la proposition.
— « Jumelles ? Tu crois que ça pourrait marcher ? »
Clémence sourit malicieusement, ses yeux pétillants d'excitation.
— « Attends ici, j'ai une idée ! »
Elle se leva en trombe et disparut dans le couloir. Quelques minutes plus tard, elle revint avec une de ses robes d'été, une robe légère à fleurs roses qu'elle portait souvent les jours de fête.
— « Tiens, essaie celle-ci, » dit-elle avec excitation. « Juste pour voir, personne ne saura. »
Charli hésita, son cœur battant la chamade. Il savait que c'était risqué, que leurs parents pourraient ne pas comprendre, mais la tentation était trop forte. Avec l'aide de Clémence, il enfila la robe. Le tissu doux glissa contre sa peau, et il se regarda dans le miroir. Pour la première fois, il se sentit aligné avec ce qu'il voyait.
Clémence tourna autour de lui avec admiration, ses yeux brillants de fierté.
— « Wow, tu es magnifique, Charli ! Enfin... tu devrais avoir un autre nom quand tu portes des robes. Comment aimerais-tu t'appeler ? »
Charli réfléchit un instant, encore émerveillé par son reflet dans le miroir.
— « Élise, » murmura-t-il finalement. « J'aime bien Élise. »
Clémence sourit, heureuse de voir son frère si épanoui.
— « Très bien, Élise. Maintenant, allons jouer dehors ! Personne ne saura que tu es mon frère. Aujourd'hui, on est deux sœurs ! »
Ils coururent dans le jardin, riant aux éclats, Élise sentant pour la première fois une liberté qu'elle n'avait jamais imaginée. Pendant quelques heures, elle oublia ses doutes, les moqueries, et les peurs. Dans ce moment simple, entre les jeux et les rires avec Clémence, Élise se sentit enfin en paix avec elle-même, prête à découvrir qui elle était vraiment.
Mais au fond d'elle, elle savait que ce moment de bonheur ne serait qu'une étape dans une longue route à venir, une route pleine de défis, mais aussi de grandes joies.