Chapitre 2 : Une larme dans l'océan ; Alénia

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— Mais quelle journée de merde, putain !

Elle le souffle à peine et pourtant ça semble lui coûter le peu de force qu'il lui restait. Elle s'effondre et je parviens de justesse à la rattraper avant que son corps ne rencontre la pierre.

Je sens sa peau froide contre moi le temps que je la porte jusqu'à l'infirmerie du château. Le chemin n'est pas très long, mais il me semble être une éternité quand je guette ses respirations.

17.

Seulement 17 respirations. Si elle meurt je suis vraiment dans la merde. Dans le meilleur des cas je serais tué, sinon... je n'ose pas imaginer le pire.

Quand on arrive enfin à l'infirmerie, on m'ordonne de la laisser sur un lit et de partir. Je ne demande pas mon reste et je pars.

Je repars dans le château.

Je ne sais pas quoi faire maintenant. Autant ne pas perdre plus de temps et aller m'entraîner. Pourtant je n'ai pas la tête à ça. Je repense à ma gifle. Si on apprend que je l'ai giflée. Que j'ai giflé une noble... Je réfléchis à la procédure dans ce cas-là.

Si un soldat est découvert à frapper un noble, même si celui-là n'est pas celui à qui il appartient, il est exécuté sur le coup sans autre forme de jugement.

— Mais toi, Alénia, tu es aussi une noble. Pas une simple soldate.

Je reconnais la voix de Lysendra derrière moi. J'ai dû sûrement penser à voix haute.

C'est vrai que j'oublie souvent que feu-mon père était le roi. Après sa mort je me suis engagée dans l'armé pour échapper à tout contrat de mariage qui me forcerais à renoncer à ma liberté. De plus je savais que ceux qui avaient tué mon père finiraient bien par me retrouver.

Grace à ma décision d'abdiquer, le trône était libre pour Laos qui ne s'est pas fait prier pour le prendre et diriger d'une main de fer pendant ces six dernières années. Moi, je suis monté en grade jusqu'à arrivé là ou je suis aujourd'hui.

— Et ho ! Tu m'écoutes, Alénia ?

Pour être sincère non, mais par habitude je hoche la tête.

— Bien sûr, pour qui me prend tu ?

— Je ne sais ce qu'il se passe, mais tu es distraite. Y a quelque chose qui va pas ?

Je ne vais pas lui dire que j'ai été déstabilisée par Anaëlle. Même si elle est ce que se rapproche le plus d'une meilleure amie pour moi elle ne sait pas tout sur moi. Et mieux vaut pour elle.

Je ne reviens toujours pas du faîte qu'Anaëlle aille frapper Lysandra.

J'esquive sa question par le meilleur moyen de défense : l'attaque. Je lui pose donc une autre question.

— Tu sais quand revient Laos ?

— Trop tôt. Pour elle comme pour nous.

Je quitte Lysendra sur cette conversation. Malgré cet incident, j'ai d'autres obligations. Je fais le reste de mes taches dans une forme de flou habituel. Je fais ce qu'il faut faire mais sans faire plus que ce qui m'a été attribué.

Quand j'ai enfin fini mes obligations je décide de retourner voir Anaëlle. Elle n'a pas encore repris connaissance. Je m'assoie sur le tabouret adjacent à son lit. Je la regarde de plus près.

Elle a ce visage des bourgeois choyer par des parents trop aimants qui en voulant protéger leurs enfants finissent par les étouffer. Elle a une peau rendue dorée par le soleil.

Elle a le genre de beauté qui ne viens pas de chez nous. Une beauté des pays beaucoup plus au Sud, ceux qui ont du soleil toute l'année.

Les taches de rousseurs qui parsèment son nez sont si rares chez nous que je ne doute pas que si mon frère ne veut pas d'elle, son père trouvera un autre noble de la région à qui la marier.

Une infirmière rentre dans la salle. C'est une ancienne apprentie qui a fait des merveilles sur Lysendra quand elle... quand elle est arrivée avec le truc.

Elle se penche sur Anaëlle et l'ausculte rapidement. J'analyse tout ce qu'elle fait. En tant que soldate, j'ai eu des leçons sur les bases de la médecine. On nous apprend ce qu'il faut faire si un autre soldat est en train de mourir ou s'il a une blessure grave. Chose assez utile quand il s'agit d'amputer un membre : on évite les infections les plus grave.

Elle se redresse et me regarde avec un léger sourire pour me rassurer, j'imagine.

— Qu'est-ce qu'elle a ?

Je regrette déjà cette phrase. Quelle réputation vais-je avoir si tout le monde sais que je me préoccupe du sort d'une étrangère ?

— Pour sa vie comme pour la vôtre, promettez-vous de garder cela secret ?

— Il le faut.



Anaëlle

Quand j'ouvris les yeux, je ne reconnus pas le lieu où je me trouvais. Pourquoi je n'étais pas chez moi ? Où était ma mère ? Et mon père ?

Mon père. Je me souviens. Il m'a promise à Laos. Je suis chez lui. Avec sa sœur. J'ai pleuré et je me suis retrouvée ici.

Je prends une décision : à partir de maintenant je vais cacher mes émotions et survivre à tout prix. Seule. Tout le monde ici, sans exemption, sera mon ennemie mortelle.

Je me lève de mon lit. Alénia n'est pas là. Tant mieux. Je n'avais aucune envi de devoir lui expliquer pourquoi ma crise de larmes de tout à l'heure. Comment expliquer quelque chose quand on ne le sait pas soit même ?

Heureusement pour moi, l'infirmerie où je me trouve est déserte, j'en sors donc sans faire de bruit.

Je parcours les couloirs les uns après les autres sans croiser âme qui vive. A croire que ce château a été abandonné. À l'instant où cette pensée me traverser l'esprit, une peur idiote s'insinue en moi. Et si mon hypothèse s'avérait être vraie et que tout le monde avait vraiment déserté le château ?

Je n'ai plus qu'une envi : fuir.

Quitter ce château de terreur et retourner chez moi.

Non, il ne faut pas que je pense à la maison, sinon je vais sombrer.

A force de déambuler dans les couloirs, je me retrouve devant une troue dans le mur qui ouvre sur une grande salle circulaire, très haute – au moins de quoi rentrer plusieurs fois le château de mon père – et à peine moins large que la longueur du pont que j'ai emprunté pour accéder au château. On aperçoit plusieurs ouvertures dans le mur comme celle par laquelle je regarde, il doit il en avoir une bonne centaine au total. Je m'assieds sur l'embrasure de l'ouverture, les pieds pendant dans le vide.

Je reste là, de bonne minute à regarder la gigantesque pièce en profitant du silence qu'elle m'offre.

Un petit gazouillis casse ce silence.

Je me retourne précipitamment. Juste à côté de moi se tient une créature !

Deux mois pour s'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant