La lumière du matin filtrait à travers les rideaux de la chambre de Rokhya, dansant sur les murs avec une douceur réconfortante. Elle était assise sur le bord de son lit, le regard perdu dans le vide. Son esprit était embrouillé par le poids des décisions à prendre, des chemins à emprunter. Son cœur battait à tout rompre, hanté par les souvenirs de son passé et par les incertitudes de l'avenir.
À l'autre bout de l'appartement, Ibrahim, son fils de quatre ans, jouait seul dans le salon. Les bruits de ses petits jouets résonnaient dans le silence pesant, une mélodie innocente qui contrastait avec l’angoisse qui l’étreignait. Ibrahim n’avait pas encore pleinement appris à s’exprimer, ses mots sortant souvent dans un désordre désarmant, rendant ses pensées difficiles à saisir.
Elle se leva et se dirigea vers le salon, le cœur lourd. En entrant, elle vit son petit garçon penché sur un tas de blocs de construction colorés, tentant de les empiler. Ses lèvres bougeaient, mais les mots ne sortaient pas comme elle l'aurait souhaité.
"Ibrahim, mon chéri," l’appela-t-elle doucement, s'accroupissant à sa hauteur.
Il leva les yeux, un sourire éclatant illuminant son visage. "Maman ! Regarde !" s'exclama-t-il, en montrant sa tour de blocs qui s'effondrait déjà.
"C'est super ! Tu es un grand constructeur !" dit-elle, sa voix teintée d'encouragement.
Mais au fond d'elle, elle ressentait une inquiétude sourde. Le regard d'Ibrahim, pétillant de joie, la touchait, mais elle savait que ce n'était pas seulement le jeu qui le préoccupait. Il ressentait le changement imminent, même s'il ne pouvait pas l'exprimer.
"Ibrahim," commença-t-elle, hésitante. "Tu sais qu'on va peut-être partir, n'est-ce pas ?"
Il plissa les yeux, cherchant à comprendre. "Partir ? Où ?"
"En France. C'est loin," expliqua-t-elle en utilisant des mots simples. "C'est un pays où il y a des choses très belles. Tu te souviens de la Tour Eiffel ?"
Il secoua la tête, perplexe. "Tour... Eiffel ?"
"C'est un grand monument, très haut," continua-t-elle, "comme un grand gâteau, mais en fer."
Ibrahim l'observait avec une attention mêlée d'incompréhension et de curiosité. "Gâteau... en fer ?"
Rokhya sourit, amusée malgré elle par son interprétation. "Non, pas un gâteau réel. Juste quelque chose de grand et de beau." Elle se rendit compte que ses métaphores étaient probablement trop complexes pour lui. "Tu vas avoir de nouveaux amis là-bas, et on pourra visiter plein de choses."
"Nou... amis ? Maman, amis... ici !" protesta-t-il, sa voix se teintant de frustration. "Pas partir !"
L’entendre parler ainsi lui brisa le cœur. Elle savait qu’il ne pouvait pas saisir l’ensemble des implications de leur départ. "Je sais, mon chéri. Mais ici, il y a des choses qui ne vont pas bien. Je veux que tu sois heureux et que tu puisses apprendre plein de nouvelles choses."
"Mais... ma voiture rouge !" dit-il, ses petits poings se serrant de frustration. "Je veux ma voiture !"
"On prendra ta voiture, Ibrahim. Tout, tout ce que tu veux," assura-t-elle, tentant de le rassurer.
Le regard d'Ibrahim s'illumina légèrement, mais une ombre persistait sur son visage. "Et papa ? Il va venir ?"
La question lui tomba comme un couperet. Elle déglutit, son cœur se serrant. "Non, mon chéri. Papa ne peut pas venir avec nous."
Les yeux d'Ibrahim s'assombrirent, et il baissa la tête, jouant avec les blocs, qui s'effondrèrent à nouveau sous la pression de ses mains. "Pas papa... pas amis. Maman triste ?"
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L'Ombre du Mensonge(TOME 1)
Ficción GeneralRokhiya, une jeune avocate brillante et indépendante, est mariée à Amadou, issu d'une famille malienne très aisée et conservatrice. La famille d'Amadou, surtout sa mère Aïcha, voit d'un mauvais œil l'arrivée de Rokhiya, une Ivoiro-Sénégalaise issue...