Un dernier au-revoir

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C'est ma dernière journée à l'établissement Pierre Sandroux. Je n'arrive pas à réaliser, je suis ici depuis un peu plus de dix ans !

Je me roule en boule sous mes couvertures et laisse une larme solitaire roulée sur ma joue.

Je reste quelques minutes dans mon lit, avant de me résigner en poussant un long soupir. Je sors de mon lit avec peu de motivation, ouvre ma penderie pour en sortir quelques vêtements et pars pour les douches communes.

Je me déshabille, me glisse sous le jet d'eau brûlant. Je pose la tête contre le mur, les paupières clos. 

Au fil du temps, je me suis énormément attaché à cet endroit, à ma maison. Là où réside ma seule et vraie famille. Pourtant, ce soir, je devrais la quitter pour de bon. Je n'ai pas d'autres choix.

Je m'autorise à pleurer quelques minutes avant de remettre le masque que je porte en permanence, celui de l'insensible, de l'antipathique.

Je me lave, tandis que mon cerveau tourne au ralenti. Je démêle mes cheveux bruns et sèche mon corps parfait. Une fois habillé de mon jean baggy et de mon tee-shirt blanc, je fixe mon reflet dans mon miroir. 

 Je ressemble énormément à ma mère, du moins, c'est ce que pense Mme Marchand et ce que montre les photos. Mes yeux verts, mon sourire, mes cheveux... Tous ces traits étaient siens.

Ma génitrice était une très belle femme qui attirait énormément l'attention, mais, après le décès de mon père lorsque j'avais six ans, l'éclat dans ses yeux s'est éteint et sa beauté s'est ternie.

Elle s'est laissée fanée comme une fleur, sombrant de plus en plus dans la folie. Après un an de deuil, ma mère m'a abandonnée et j'ai été placé en famille d'accueil pendant quelques mois. Je ne m'intégrais pas du tout, les autres enfants de la famille me dénigraient et mes tuteurs me battaient. J'ai ensuite été accueilli à l'orphelinat Sandroux où Agata Marchan m'a pris sous son ail.

Enfant, j'essayais d'être un bon garçon. Je souriais tout le temps mais personne ne voulait d'un enfant "perturbé" comme moi. Petit à petit, mon sourire s'est tarie et j'ai développé une phobie du rejet et de l'abandon, créant autour de mon cœur une carapace empêchant l'attachement et l'amour de s'y faire une place.

Les nuits, ma mère hante mes rêves, mes cauchemars, creusant en moi un vide qui ne cesse de s'agrandir.

Aujourd'hui, tout ce qu'il me reste de mes géniteurs ne sont qu'une boîte à musique et une simple photo de nous trois, bien au chaud dans un médaillon.

Je retourne dans ma chambre et commence à préparer les affaires de mon départ. 

Je ne dois emporté que le stricte nécessaire, peu de vêtements. Juste les choses qui m'importent le plus...

Dans ma petite valise, je range donc quelques bouquins, une tenue de rechange au cas où, la boîte à musique de ma mère, mes précieuses partitions de piano et mon appareil photo. Avant de caler mon Polaroïd entre mes livres, je place l'appareil devant mes yeux et photographie ma chambre. Je pose la machine dans mon bagage après en avoir sorti la pellicule. Je fixe l'image qui se dessine avec mélancolie.

-Plus qu'à, je souffle.

Je tire un coffret en bois de dessous mon lit, soulève le couvercle. Dans la boîte, pleins de photos que j'ai prises au fil des années sont entassées en vrac. Je pose la dernière au haut des piles, referme le coffre et le place dans ma valise. Je fais coulisser la fermeture éclair jusqu'à la fin de sa route et me relève.

Je sors de la pièce et dévale les escaliers jusqu'à la cafétéria où tous les enfants prennent joyeusement leurs petit déjeuner. 

Je remplis mon plateau de quelques toast grillés, d'un verre de jus et d'une tasse de chocolat chaud.

La clé de ton sourireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant