La rencontre

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-Maeva était une personne d'une grande bonté, toujours prête à tendre la main à son prochain...

La voix tremblante d'Alice résonnait dans la petite pièce des pompes funèbres. Quinze personnes tout au plus se tenaient autour d'elle, les yeux rouges, étouffant leurs pleurs, la tête basse. Ils écoutaient tous la meilleure amie de Maeva témoigner.

Éric, lui, n'écoutait pas. Il entendait. Les bras relâchés, les yeux écarquillés, il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Son cerveau était engourdi, sa réflexion impossible. Totalement immobile, il paraissait figé. Paralysé. Il était en état de choc complet.

Tout était allé si vite. Il rentrait chez lui après une journée de dur labeur dans la montagne, quand son téléphone avait sonné. Il avait décroché à ce numéro qui lui était inconnu, intrigué. A l'autre bout, une jeune femme s'était présentée comme assistante sociale. Elle lui avait appris que Maeva avait eu un accident de voiture, et qu'elle n'avait pas survécu, malgré les efforts des chirurgiens. Elle lui avait présenté ses condoléances. Il avait eu le souffle coupé, et était tombé à genoux. Puis il était tombé dans cet état d'engourdissement, semblable à celui d'une anesthésie après une opération. Comme si son cerveau l'anesthésiait pour l'empêcher de comprendre l'horrible vérité. Eric avait alors prit la route, sa voiture le menant quasiment toute seule à Melun. Les huits heures de trajet, ils ne les avaient pas vues passer. Il s'était arreté une fois. Le reste du temps, il s'était contenté de conduire machinalement. Il avait dormi dans sa voiture, sans ressentir la morsure du froid de janvier. Il était maintent ici, aux pompes funèbres, écoutant la meilleure amie de Maeva raconter la grandeur de cette personne qui les quittait.

-Maeva est dans la pièce d'a côté... Vous pouvez, si vous le souhaitez, aller la voir... fit l'employé des pompes funèbres.

Quelques personnes se déplacèrent. Ecric resta planté là. Incapable de bouger. Incapable de se décider. La voir, là, aujourd'hui, alors qu'ils ne se voyaient plus depuis dix ans ? Etait-il temps d'oublier, ou était-ce trop tard ?

- Tu veux y aller ?

Eric se retourna . L'employé s'était agenouillé, pour être à hauteur d'une créature recroquevillée. Eric comprit que c'était Mael. Le fils de Maeva. Son neuveu.

Cela lui fit un choc terrible. La dernière fois qu'il l'avait vu, Mael avait cinq ans. Il devait en avoir quinze, maintenant. L'ado était en boule, sous une table. Eric n'apercevait qu'une tignasse ébène, une peau pâle, des épaules voutées.

Mael secoua la tête. Il ne voulait pas voir sa mère allongée dans le cercueil, le visage a moitié calciné malgré le maquillage. Il voulait se couper du monde qui le faisait déjà tant souffrir.

A présent, le monde se dirigeait vers la sortie. On allait au cimetière. Quatre hommes en noir portaient un cercueil en bois clair, marchant de façon coordonnée. Eric les suivit machinalement. Lorsque le cercueil fut mis dans le corbillard, et le coffre claqué, il monta dans sa voiture, tourna la clé, et manoeuvra pour sortir du parking. Il faillit renverser un homme, qui lui hurla dessus à travers sa vitre baissée. Mais Eric n'eut même pas un mouvement de surprise. Son état était dangereux, mais il ne s'en rendait pas compte. Sa conscience était gelée.

Il emprunta la départementale, dernier du funeste cortège, tandis que l'autoradio diffusait The Lonliest de Maneskin. Dans son état normal, il aurait changé de radio, parce qu'il se seraitt refusé d'écouter cette musique que Maeva aimait tant, parce qu'il ne voulait pas fondre en larmes. Mais Eric ne changea pas.

Il gara sa twingo à l'ombre d'un tilleul. Il coupa le contact, sortit puis déambula jusqu'à l'attroupement. Il vit les hommes en noir sortir sa sœur du corbillard et s'avancer entre les tombes. Laquelle était pour Maeva ?

Les échos de la vallée.Where stories live. Discover now