— Tu dirais quoi , si t'étais là ? Tu me dirais "courage" , tu me regarderais avec pitié et tu trouverais une excuse pour partir sans me voir pleurer.
— C'est pas vrai !
— Arrête. C'est ce que tu as toujours fais , et c'est la seule chose que tu sais faire. J'en ai marre. Notre couple sert à rien. Y'a pas d'amour , que de la pitié.
— Tu ... tu me quittes ?
— Nan. Je te dis ça pour te fêter un joyeux anniversaire...  Oui idiot , je te quitte.

Pas de réponse , pas de larme , non plus. Je l'imagine hausser les épaules et il raccroche . Moi je pleure. Pourtant ce serait à lui de pleurer , mais non , c'est moi. Je rentre dans le bâtiment , la chaleur m'enveloppant soudainement et rejoins la petite pièce à l'ambiance légèrement alcoolisée ou se déroulent les tournantes. Je m'adosse a un mur vide , attrape une bière dans un pack et regarde la balle taper des deux côtés. Ping ... pong... ping smash !  Mon œil suis la balle , quelques mains se posent sur mon bras pour m'encourager à jouer mais je me contente de boire.

Quand j'ai fini la bouteille, je la fracasse sur le sol et chope une raquette dans la main d'une fille. Je m'incruste dans la tournante. Je suis pas nulle en tennis de table , je gagne sous le regard d'un mec. Un beau brun au fond , le visage mal éclairé, penché en avant , ses yeux sombres scrutant les parties. Je le garde au coin de l'œil sans relâche , il part se chercher un verre , puis reviens à son poste pour continuer de laisser son regard vagabonder sur mon corps.

Après une partie particulièrement serrée , Le brun se redresse , pique une raquette à un petit rouquin et se place face à moi. Ses traits me laissent rêver quelques secondes , lesquelles il utilise pour me marquer le premier point. Mon esprit de gagnante se redresse et je commence à enchaîner les balles. 9/10 pour lui. Je serre les dents. Lui relève la tête , il a la balle dans la main.

— Alors ? Sur le point de perdre ?
— Lance.      Répliquai je

Il souris doucement et frappe dans la balle. S'en suit un duel acharné, la balle frappant toujours plus proche du bout de la table. Du même côté. Toujours du même côté. Soudainement, en cachant légèrement ma raquette, je vise l'autre côté de la table.

Son sourire s'éteint, il pivote et tend sa main ou les veines saillent. Mais la balle est déjà trop loin... il plonge par terre et frappe une dernière fois. Je lui rends un coup tout simple , qu'on aurait adressé à un gosse. Il est à terre et manque évidemment la balle. Je ravale un sourire de fierté. Il se relève sans laisser ses émotions percer et empoigne fermement sa raquette. Je plonge mes yeux dans les siens et lance. La balle file , rebondit juste au début de la table , puis sur la sienne , et frôle son cou. Il fait un demi tours si rapide que je crois rêver et frappa la balle.

...

Elle est passée. Je relève le regard. Il ne souris pas. Non , non il me fixe longtemps, puis il pivote et quitte la pièce. Je dépose la raquette sur la table et me faufile entre les autres pour atteindre la porte à mon tour. L'air froid me secoue le corps de frissons , un panache de fumée à peine éclairé par la lumière chaude qui s'échappe de la salle. Deux mains presque brûlantes par rapport a l'air nocturne se posent sur mes joue.

— Moi c'est Laylo
— Victoire.
— Quelle ironie.

Je lève les yeux au ciel. Mais il ne doit pas le voir.

— Il fait froid ce soir.
— Oui. Je crois que je vais rentrer.
— Hmm. Sûre de ça ?
— Oui ?
— Reste , la soirée est pas finie !
— Dans quel sens ...
— Toujours ça vous , hein. Y'a encore des balles , y'a encore des raquettes. Tu prends ta revanche ?
— Si tu veux.
— T'es pas une battante ?
— Si. On y va.

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