Chapitre 1 : Comment boire la mer?

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Cette histoire a commencé pour moi sur une plage bretonne, alors que j'étais en plein élan poétique. Le vent salé de l'océan fouettait doucement mon visage, et mes pieds s'enfonçaient dans le sable humide, chaque pas me rapprochant un peu plus de l'immensité devant moi. La mer, avec ses vagues indomptables se brisant sur les rochers, reflétait le tumulte de mes pensées.

C'est à ce moment-là, entre deux vers griffonnés dans mon carnet, que j'ai entendu sa voix pour la première fois.

— T'as déjà essayé de boire la mer ? demanda-t-elle, brisant la paix tranquille de la plage.

J'ai haussé un sourcil, perplexe, relevant la tête pour voir d'où venait cette étrange question.

— Non, répondis-je, un peu déconcerté.

Elle s'est avancée, ses pas laissant de légères empreintes dans le sable mouillé, les vagues effleurant à peine ses chevilles. Elle avait cette allure décontractée mais assurée, une présence qui ne laissait personne indifférent.

— C'est ce que je me demande parfois, continua-t-elle, son regard perdu dans les creux des vagues s'agitant. Quand je vois l'immensité devant moi, je me dis qu'essayer de boire la mer serait aussi insensé que... que de vouloir tout contrôler.

Elle marqua une pause. Son regard fixait l'horizon, mais c'était comme si elle voyait bien au-delà. Ses cheveux noirs, détachés, flottaient au gré du vent, et ce petit sourire en coin, que j'aurais dû reconnaître comme machiavélique, éclairait subtilement son visage.

— Tu t'appelles Benoît, c'est ça ?

La question me surprit. Comment savait-elle ? Je la dévisageai un instant, essayant de me souvenir si nous nous étions déjà croisés.

— Oui, c'est ça. Et toi, tu es qui ?

— Claire, répondit-elle simplement. On est ensemble l'année prochaine, en droit. C'est Antoine qui me l'a dit.

Antoine. Bien sûr. Un de mes amis les plus proches, il n'était jamais loin des potins et des nouvelles. Il avait sûrement mentionné Claire sans que je ne fasse attention, mais à cet instant, je me rendais compte que cette fille, que je n'avais jamais vraiment remarquée, venait de se glisser dans ma vie avec une facilité déconcertante.

— Ah, je vois... dis-je, un peu mal à l'aise face à cette rencontre inattendue.

Claire me fixa avec ce même sourire énigmatique. Elle semblait déjà en savoir plus sur moi que je ne savais sur elle, et cela me perturbait. Pourtant, je sentais une certaine fascination naître en moi. Il y avait chez elle un mélange de mystère et de détermination, quelque chose qui me donnait l'impression que ce n'était que le début d'une histoire bien plus complexe.

— J'ai entendu dire que tu te présentes pour être délégué de promo, dit-elle en croisant les bras.

Je souris, un peu surpris qu'elle soit au courant de ça aussi.

— Ouais, c'est vrai, on verra bien.

— On verra bien, répéta-t-elle, en insistant sur les mots. Parce que moi aussi, je me présente.

Je fus pris de court. Moi, qui avais toujours été quelqu'un d'assez populaire, je sentis une vague d'incertitude me traverser. J'avais toujours fait attention à mon image, non pas par vanité, mais parce que, paradoxalement, sans cela, je passais facilement inaperçu. Je savais que si je ne jouais pas le jeu, je me retrouverais vite seul. Être invisible, c'était mon pire cauchemar, et pourtant c'était une possibilité qui planait toujours, juste au bord de ma conscience.

La rentrée était dans deux semaines, à Paris. Alors pourquoi était-elle ici, en Bretagne, aussi loin de la capitale ?

Soudain, un bruit de klaxon résonna du parking situé plus haut, au-dessus de la plage. Cela me sortit brusquement de mes réflexions.

— Claire, tu viens ? On va être en retard chez grand-mère ! cria une voix féminine, probablement depuis une voiture.

Claire se retourna en direction du parking, sans se presser, ses pas marquant toujours le sable mouillé. Elle me lança un dernier regard, et ce sourire en coin réapparut sur ses lèvres, aussi énigmatique que tout le reste.

— On se retrouve à la rentrée, dit-elle avec assurance avant de repartir tranquillement vers le parking.

Je la regardai s'éloigner, encore pris dans le tourbillon de cette rencontre imprévue. J'avais l'impression que quelque chose venait de se mettre en marche, une sorte de mécanique invisible.

Comment boire la mer?Where stories live. Discover now