Chapitre 3 : alors délégué ?

4 0 0
                                    


La semaine des élections était arrivée. Cela faisait déjà un mois que je me forçais à parler à toute la promo. À chaque fois que quelqu'un posait une question sur le groupe de classe, j'essayais de répondre en moins de deux secondes. Résultat : je m'étais fait pas mal de potes. Mais malgré tous mes efforts, quelque chose me dérangeait profondément.

Les gens allaient naturellement vers Claire quand ils avaient besoin d'aide. C'était comme si elle avait un aimant. Elle était avantagée, c'était indéniable, avec son aisance naturelle à parler. Tout chez elle respirait la confiance. Elle ne forçait rien, tout semblait couler de source, comme si elle était née pour mener. Quand un problème surgissait, les élèves se tournaient vers elle instinctivement. Elle restait souvent après les cours pour aider les autres, toujours disponible, toujours calme. C'était frustrant. J'avais beau essayer de tout faire pour me rendre utile, on dirait que Claire avait un truc en plus que je ne pouvais pas maîtriser.

Pourtant, malgré toute cette popularité, elle semblait n'avoir qu'une seule amie : Amélie. C'était une fille timide et studieuse, à des années-lumière de Claire dans son attitude. Leur amitié me surprenait, mais en même temps, elles semblaient se compléter d'une façon étrange.

De mon côté, j'avais réussi à me construire un large cercle d'amis. Chaque matin, je passais bien cinq minutes à dire bonjour à tout le monde en arrivant. J'étais invité à toutes les sorties, les soirées, mais ce n'était pas vraiment mon truc. Me bourrer la gueule dans un bar bruyant n'avait jamais eu beaucoup d'attrait pour moi. J'étais plus du genre à préférer une soirée tranquille avec un bon livre, une tasse de thé à la main, ou à reprendre ma partie de Stardew Valley.

Malgré tout, je savais que pour être élu, il fallait jouer le jeu. Et je le jouais.

Je le jouais, mais chaque jour, je sentais la pression monter. Claire et moi étions les deux favoris pour le poste de délégué. Les autres candidats avaient vite compris qu'ils ne faisaient pas le poids. Même si nous ne parlions jamais directement de la compétition, il y avait entre nous cette tension palpable, un jeu silencieux.

Un matin, alors que j'entrais dans l'amphi, je vis Claire déjà entourée d'une petite foule. Elle écoutait attentivement, répondait aux questions avec une aisance déconcertante. Je forçai un sourire en m'approchant de mon propre groupe d'amis.

— Alors, prêt pour le grand jour ? me lança Lucas, l'un de mes potes, tout sourire.

Je haussai les épaules, essayant de cacher mon agacement.

— Ouais, on verra bien. Mais faut admettre que Claire a un sacré avantage.

— C'est sûr qu'elle est douée, admit Camille en fouillant dans son sac. Mais tu as ta chance. Tu parles à tout le monde, tu t'investis. Les gens aiment ça aussi.

Je voulais croire que Camille avait raison, mais une part de moi ne pouvait s'empêcher de se demander si tout ce que je faisais était suffisant. Pendant que je réfléchissais à ça, Claire s'approcha. Son sourire, habituel mais désarmant, était toujours aussi confiant.

— Salut Benoît, dit-elle, presque nonchalante. Alors, comment tu te sens pour demain ?

— Pas trop mal, et toi ? répondis-je, essayant de paraître détendu.

Le lendemain, le jour des élections arriva. Une table avait été installée dans le hall principal, où chacun venait voter après les cours. Je faisais de mon mieux pour rester souriant, parlant à ceux qui croisaient mon chemin, essayant de cacher mon stress. La journée passa comme un brouillard, chaque vote me rapprochant de l'inévitable.

Quand les résultats furent enfin affichés, mon cœur battait à tout rompre. Je me frayai un chemin à travers la foule pour lire les résultats. Claire était déjà là, immobile, les yeux fixés sur le panneau. Nos regards se croisèrent.

Le verdict tomba. Égalité. Claire et moi avions obtenu exactement le même nombre de voix. Je n'en revenais pas.

— Égalité ? marmonnai-je, encore sous le choc.

Claire se tourna vers moi, son sourire habituel aux lèvres.

— Eh bien, on dirait qu'on va devoir travailler ensemble, dit-elle calmement.

Je ne savais pas comment réagir. Co-délégués ? Avec Claire ? J'avais imaginé tant de scénarios, mais certainement pas celui-ci.

— On n'a pas vraiment le choix, ajouta Claire. Ça pourrait être intéressant, non ? On forme une bonne équipe. Toi avec ta capacité à fédérer les gens, et moi... enfin, disons qu'on saura se compléter.

Il y avait quelque chose dans son ton, une sorte d'assurance tranquille qui me laissait perplexe. Mais je savais qu'elle avait raison. Nous allions devoir apprendre à collaborer.

Et comme si cela ne suffisait pas, le lendemain, la nouvelle tomba : le grand concours d'éloquence de l'année était lancé, avec pour thème : « Uniforme à la fac ? ».

Évidemment, Claire et moi étions tous les deux inscrits.

Comment boire la mer?Where stories live. Discover now