On a tous des petits plaisirs dans la vie du quotidien. Pour certain, c'est se faire un bon macdo, ou bien d'aller voir une exposition novatrice. Tiana elle, adorait se réveiller en douceur. Elle aimait sentir le soleil venir chatouiller sa peau, la douce chaleur des draps, pouvoir s'étirer, puis se raviser et dormir encore un peu. Le seul inconvénient à ce plaisir coupable, ce sont ces matins où elle oubliait qu'elle était censée se lever. Comme ce matin.
Sûrement fatigué des évènements plus ou moins réalistes de la veille, son corps avait jugé bon de ne pas tenir compte de ses trois réveils, les laissant sonner dans le vide. Évidemment quand la jeune femme avait émergé une heure plus tard, c'était la catastrophe. Soudain, elle comprenait mieux sa mère, lorsqu'elle se retrouva à son tour à sautiller dans son salon, une seule chaussettes d'enfilée, une tartine dans la bouche, son sac dans la main gauche. Elle n'avait vraiment pas besoin de stress supplémentaire.
Un coup d'œil à son téléphone lui apprit que ce n'était pas la peine d'espérer arriver à l'heure à son premier cours magistral. La matière qu'elle comprenait le moins en plus. Im-pe-ca-ble. A ce train-là, elle songea qu'elle aurait de la chance d'avoir son semestre.
Redécouvrir à la lumière du jour l'état du jardinet devant sa maison l'abattu encore un peu plus. C'était encore pire que ce dont elle me souvenait. Elle pesta contre la sorcière d'hier – il lui fallait un bouc émissaire. Avec l'énergie du désespoir, elle se mit à courir en direction de l'arrêt de bus. Alors qu'elle n'était plus qu'à un virage de celui-ci, elle entendit un bruit de moteur qu'elle ne connaissait que trop bien.
Après une série de « non » répétés sur un ton de plus en plus catastrophé, elle arriva à l'arrêt... Pour voir le véhicule déjà loin, et qui continuait de s'éloigner. Inutile d'espérer le rattraper. Et le prochain était... Dans une heure. Parfait. Elle arriverait donc à la fac à l'heure très matinale de onze heures. Quelle magnifique manière de commencer la journée.
Vaincue, elle avait poussé un soupir et avait songé un instant à rentrer chez elle pour se recoucher. Dans l'état actuel des choses ça semblait être la meilleure chose à faire. Elle s'accorda une courte pause sur le banc de l'arrêt de bus avant de repartir, le temps de reprendre son souffle et de réfléchir à ses différentes options. Avec amertume, elle se fit la réflexion que si elle ne procrastinait pas à passer son permis, elle aurait pu simplement prendre la voiture de sa mère.
Elle sortit son portable et composa le numéro de cette dernière. Entendre sa voix lui ferait du bien – même si elle n'avait pas beaucoup d'espoir qu'elle ait le droit d'utiliser son téléphone à l'hôpital, on ne savait jamais.
- Bonjour ! avait répondu une voix qui avait paru bien proche à Tiana.
- Salut maman ! Co....
- Le correspondant que vous tentez de joindre est actuellement indisponible...
Dépitée, elle se rendit compte qu'elle s'était fait avoir par le répondeur de sa mère. En raccrochant, elle avait une fois de plus poussé un soupir. Elle avait basculé ma tête en arrière, la laissant rencontrer la surface froide et lisse du verre de l'abri bus. C'est alors qu'elle vit dans sa vision périphérique un visage qui la regardait fixement. Etant quelqu'un de naturellement courageux, elle avait lâché un hurlement qui avait résonné dans toute la rue, sursautant tellement fort qu'elle faillit tomber du banc.
A côté d'elle, toute souriante, se tenait son hallucination du jour précédent. Elle comprit soudain que le bonjour enjoué qu'elle avait entendu ne venait pas de son téléphone. Epuisée, elle avait passé sa main sur son visage. Elle ne devait vraiment pas tourner rond pour confondre la voix de sa propre mère avec celle d'une inconnue.
- Non mais ça va pas ! s'était-elle exclamée. Qu'est-ce que vous faites là ?
- Je voulais vous remercier pour hier, lui avait-elle répondu avec un sourire maladroit. Je ne m'en serais jamais sortie sans vous.
- Mais comment vous avez fait pour savoir où j'étais exactement ? Vous me suivez ou quoi ?
Tiana sentit son cœur battre à cent à l'heure dans sa poitrine. Qu'est-ce qu'elle était censée faire ? Appeler la police cette fois ? Porter plainte pour stalking ? S'enfuir en courant ?
- Ne paniquez pas ! avait répondu Amalia comme si elle avait lu dans ses pensées. Je... J'ai juste utilisé une formule de localisation. Je voulais vous offrir un verre ou quelque chose... Pour vous remercier.
Oui ben oui logique, se dit Tiana. Pourquoi s'embêter à suivre quelqu'un quand on pouvait le retrouver en claquant des doigts ? Ça restait flippant, mais moins flippant que de l'imaginer la suivre partout.
- Y a pas besoin, avait répondu la jeune femme en marmonnant. Laissez-moi juste tranquille ce sera amplement suffisant.
- En fait, j'avais aussi quelque chose à vous demander...
- Stop, l'avait interrompu Tiana sur un ton empreint d'inconfort. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué vous me mettez vraiment, vraiment très mal à l'aise. Donc maintenant, soit vous arrêtez, soit j'appelle la police.
Le visage de la magicienne était soudain devenu pâle en l'entendant évoquer la police. Prenant son courage à deux mains, Tiana s'était levée du banc et s'était éloignée en espérant qu'elle ne la suivrait pas : peine perdue. Elle s'était immédiatement lancée à sa poursuite.
- Je ne vous veux aucun mal...
- Et moi je veux que vous arrêtiez de me suivre partout. Vous me filez les jetons, avait dit Tiana en resserrant ses bras croisés contre son buste. Son cœur battait de plus en plus fort.
- Mais vous êtes la seule personne à pouvoir m'aider ! J'ai fait des recherches hier, je pense que vous avez peut-être des indications sur où est la personne que je cherche !
- Ça m'étonnerait fort. Pour la dernière fois, arrêtez de me suivre.
- Alors... Vous n'allez pas m'aider ? avait-elle demandé d'un ton suppliant.
- Non, avait répondu fermement Tiana, espérant que cette fois, elle allait lâcher l'affaire.
- Je vous en supplie, réfléchissez-y ! était-elle revenue à la charge en saisissant son poignet.
- Lâchez-moi, avait hurlé la jeune femme.
Elle l'avait brutalement repoussée, l'obligeant à lâcher son bras. Dans le feu de l'action, son poing s'était desserré, lâchant son téléphone qu'il tenait jusque-là. L'inconnue, prise au dépourvue, l'air complètement hagard, était tombée lourdement sur le sol. Tout comme le téléphone de Tiana qui était venu s'écraser à quelques mètres d'elle. Les jambes en coton, la jeune femme s'était dirigé vers l'appareil et s'était penchée pour le ramasser d'une main tremblante. L'écran était en miette. Sentant les larmes monter, Tiana avait essayé frénétiquement de le rallumer avant de se rendre à l'évidence : sa chute lui avait été fatale.
- Voilà, super, il ne manquait plus que ça ! avait-elle crié en pleine crise de nerf. Vous allez me laisser tranquille maintenant ?
- Je... Je peux le réparer, avait bredouillé la magicienne en se relevant.
- Laissez tomber, vous en avez assez fait, avait répondu la jeune femme répondu en lui lançant un regard noir.
Elle avait continué à avancer vers chez elle, le regard fixé sur l'appareil désormais inutilisable ; cette fois Amalia ne l'avait pas suivie. Tiana avait complètement oublié ses cours. Désormais elle ne pensait qu'à sa mère et à ses amis. Ils allaient s'inquiéter si elle ne répondait pas. Comment allait-elle faire ? Elle ne pouvait même pas prendre le bus : l'achat des tickets ne se faisaient que sur une application, ou en payant en monnaie. Et Colin avait complètement oublié de lui rendre son porte-monnaie la dernière fois avec tout ce qu'il s'était passé.
Tiana se sentait plus démunie et plus seule que jamais.
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Le bleu des coquelicots
FantasíaUne jeune femme qui cherche à sauver sa mère de ses démons, quitte à porter le poids du monde sur ses épaules. Des amis, qui pour soulager une proche, prennent des décisions à sa place, sans la consulter. Un copain qui passe son temps à cacher ce q...