Chapitre 5

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La colère de Monsieur Blackburn éclata dès le départ du Marquis. Peter n'eut pas le temps de prononcer un seul mot que l'écuyer l'assena d'un énorme coup de poing dans les entrailles, le garçon s'écroula sur le sol.

-Pour qui te prends-tu, misérable petit paysan, pour faire mon travail en mon absence ? grogna le vieil homme entre ses dents rongées par les caries.

L'écuyer redonna un violent coup de pieds dans le ventre du jeune garçon, lui arrachant un gémissement de douleur.

-Ne t'avises plus jamais de recommencer.

Peter se redressa tant bien que mal, une main posée sur son ventre endolori.

Sa condition ne lui permettait pas de répondre, cela n'aurait fait qu'aggraver la situation.

Il serra les poings, la colère bouillonnant en lui, révolté de devoir subir les sévices de cet être servile et indigne.

Les jours qui suivirent furent tout aussi éprouvants.

L'autorité de la gouvernante, Lady Vickridge, installait un climat de tension permanente dans le bâtiment des domestiques. Elle surveillait chaque détail avec une précision acérée et ne manquait jamais une occasion de rappeler à Peter qu'il était le plus jeune et le moins expérimenté des domestiques. Ses ordres devenaient de plus en plus sévères, et elle ne tolérait aucune erreur, au risque de subir ses punitions. Peter s'était fait violemment frapper sur les doigts un jour où il avait oublié de faire son lit.

Dans les dortoirs, Peter peinait à s'intégrer parmi les autres hommes. Ils étaient plus âgés, plus robustes, et leur vie au domaine semblait les avoir rendus durs et impitoyables. Ils le voyaient comme un intrus, un faible qu'ils méprisaient. Les railleries étaient constantes, et Peter sentait l'atmosphère devenir de plus en plus pesante.

-Ignore-les, ce ne sont que des rustres. Lui dit un jour, Mary Shelley, la jeune fille au regard vif que Peter avait aperçu le jour de son arrivée. C'était une des dames de chambre du domaine, du même âge que lui environ.

-Ils ne t'aiment pas car tu es différent d'eux, toi, Peter, tu n'es pas une de ces brutes, tu es sensible je le vois dans tes yeux.

Mary était douce et pleine de compassion, et surtout, elle n'avait pas cette froideur cruelle que les autres domestiques montraient envers Peter. Ils se croisèrent d'abord à l'heure du déjeuner, dans le bâtiment des domestiques, où elle lui sourit timidement. Au fil des jours, ils échangèrent de brèves conversations, et au fur et à mesure du temps, ils s'étaient liés d'amitié.

Mary lui confiait les difficultés de la vie de dame de chambre et les injustices qu'elle subissait de la part de la gouvernante.  Peter trouva en elle une oreille attentive. Ils partageaient un lien spécial, un réconfort mutuel dans cet environnement dénué de toute chaleur.

Mais malgré la présence de la jeune fille, Peter supportait de moins en moins sa vie de palefrenier. Chaque instant passé dans l'écurie lui rappelait sa place dans la société, il n'était rien aux yeux des gens de la haute noblesse. Lorsque Peter avait à nouveau croisé le Maître dans les écuries, ce dernier ne daigna même pas lui adresser un seul regard.

Sa frustration ne faisait qu'amplifier lorsqu'il passait ses journées à s'occuper de ces magnifiques étalons sans même qu'il ne puisse les monter.

Dans le comté de Somerset, Peter s'occupait des chevaux d'un vieux fermier. Il se souvenait de l'euphorie qu'il ressentait lorsqu'il les chevauchait à tout allure. Les jeunes de son village s'émerveillaient devant ses prouesses d'équitation, Peter ne s'était jamais senti aussi vivant.

Un soir, alors que le jeune palefrenier était sur le point de fermer la clôture de l'écurie, il fut pris d'une folle envie. La tentation de dérober un des chevaux du domaine pour une courte escapade le démangea follement, s'évader le temps d'une soirée. Une heure, pas plus, personne ne s'en rendra compte. Pensa-t-il.

Peter hésita, il se mordit la lèvre lorsqu'il pensa à la punition qu'il recevrait si quelqu'un l'attrapait. Après un tumultueux débat intérieur, il finit par prendre son courage à deux mains et succomber ne serait-ce qu'une seule fois à ses désirs.

Il décida de prendre une jeune jument, une magnifique créature au pelage gris clair, douce et docile, qu'il avait souvent brossée.

Le cœur de Peter palpita à toute vitesse lorsqu'il harnacha la jument. Il la monta avec aisance et l'excitation l'envahit lorsqu'il retrouva cette sensation d'être en scelle qui lui manquait tant.

Peter donna un coup de talon et le cheval s'engagea dans une folle escapade nocturne, éclairée par la lune.

Le jeune palefrenier, ivre de cette sensation de liberté qui lui avait tant manqué, exacerbée par le bafouement de l'interdit, était loin de se douter du danger qui l'attendait, quelqu'un l'observait quelques mètres plus loin. 

L'amant du Marquis [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant