BLUE

Partie 1-Chapitre 14 : Kady, 04/01/2031

À présent que j'ai arrangé mes différents avec Jason, je sens un poids quitter mes épaules. Mais je sais que je n'en ai pas fini. Mes bonnes résolutions ne s'arrêtent pas là.

Un problème à la fois.

Je vais tout résoudre petit à petit. Enfin devenir actrice de ce qui m'arrive, trouver moi-même des réponses à mes questions, puisque personne ne veut m'en donner. Je réfléchis à ce qu'il me reste à découvrir. Il y avait ce journal, que Kacie me cachait. Cette page bleue, dont Jason m'avait parlé. Bien que je n'ai aucune information sur cette dernière, je sais parfaitement où le premier se trouve. Y accéder serait chose facile... Si Kacie ne me mettait pas de bâton dans les roues. En parlant d'elle, je la vois descendre les escaliers, un sac à dos hissé sur l'une de ses épaules. Que peut-elle faire, à une heure si tardive ? Ma sœur s'approche de moi (ou plutôt de la porte), avant de me dévisager.

"C'est à cette heure-ci que tu rentres ?" Me demande-t-elle d'un ton plein de reproches.

"Et toi, que tu sors ?" Je rétorque en mimant son intonation. "Il est plus de vingt heures."

-Chacun sa vie. Tu n'es pas la seule à en avoir une.

-Peu importe, qu'est-ce que tu vas faire dehors aussi tard ?

-Je vais juste poser le système de production d'énergie par la foudre que j'ai fabriqué pour le projet de fin d'année dans le jardin, pour savoir s'il fonctionne. J'en aurai pour quelques dizaines de minutes, voire plus si l'orage a décidé de ne pas écouter les prévisions météo.

-Ce n'est pas un peu... Dangereux ?

-Si, totalement. Mais bon, comment suis-je censée vérifier le bon fonctionnement de cette chose sans m'arranger pour que la foudre lui tombe dessus ? Et puis de toute façon, je vais le mettre dans un endroit dégagé. Notre jardin est grand, ça ne craint pas grand-chose. Je dirais même que c'est plus sécurisé que de marcher seule dans la rue de nuit."

Je sens que cette dernière remarque est une allusion à mes nombreuses sorties. Kacie aime beaucoup me railler sur mes escapades nocturnes, et me lance des regards moqueurs dès qu'elle m'en parle. Je roule des yeux et réponds d'un air légèrement énervé.

"Tu exagères. On parle tout de même d'électricité qui tombe du ciel.

-On ne sait jamais sur quoi on peut tomber la nuit. Tu sais ça, n'est-ce pas ?

-Oui, je sais, pas besoin de me le rappeler. Et puis tu parles comme maman. Est-ce que tu te prends pour la deuxième figure parentale ? Parce que j'ai appris à m'en passer.

-Sérieusement, Kady, j'espère que tu fais attention quand tu sors le soir dans la rue.

-Oui, pour la énième fois. Je sais ce que je fais.

-Ouais... Bon, je te laisse, j'ai de la foudre à capturer."

Kacie, bien qu'à moitié convaincue, ouvre la porte d'entrée et se faufile à l'extérieur avant de la refermer. Bien que cette interaction m'ait un peu irritée, je dois reconnaître qu'elle tombe à pic. Ma sœur me laisse enfin le temps de découvrir ses secrets. Je monte dans sa chambre et me glisse jusqu'au meuble où j'avais découvert son journal quelques mois auparavant. J'ouvre le tiroir et trouve la relique à moitié décomposée à la place exacte qu'elle occupait la première fois que j'étais venue. Kacie et son côté maniaque...

Je prends enfin le carnet dans mes mains après tant d'attente, et je tourne délicatement les pages fines de l'objet. Mon regard glisse sur les écritures, introduites par des dates, qui racontent globalement sa vie ou des pensées qu'elle a pu avoir depuis qu'elle a commencé à tenir ce journal. La plupart sont des descriptions méprisantes de personnes qui lui ont parlé ou d'événements importants, comme celui du nouvel an qu'elle décrit comme "une fête célébrant une nuit techniquement ordinaire transformée en une date importante par les vendeurs de calendriers". En y réfléchissant, elle n'a pas tellement tort.
Je continue à feuilleter l'ouvrage en trouvant de temps à autre des réflexions qui m'amusent, tant par leur pragmatisme que par leur ironie, ou qui m'irritent lorsqu'elles sont à propos de personnes qu'elle a rencontré. Je peux ressentir son air hautain à travers l'encre de ses mots, et je laisse échapper quelques soupirs d'exaspération à certaines remarques, avant de tourner les pages plus rapidement pour trouver autre chose.