Nocturne

Prologue

Londres, plongée dans l'obscurité de la nuit, n'était jamais vraiment silencieuse. Les rues étaient baignées d'une lueur orange, filtrée par les lampadaires fatigués, et des bruits de voitures au loin se mêlaient aux murmures des passants. Cependant, dans une ruelle étroite, derrière un vieux bâtiment en briques effritées, tout semblait figé dans le temps.

Cachée dans l'ombre, Elisa attendait.

Son cœur battait à un rythme qu'elle ne contrôlait pas, mais ses mains, elles, étaient stables, fermes sur les poignées de ses dagues. Ses doigts enroulés autour du métal froid étaient plus habitués à la danse des notes de musique qu'à l'acier tranchant, mais dans cette double vie, elle n'avait pas le choix.

Ses longs cheveux marrons et bouclés, qui d'habitude tombaient librement sur ses épaules, étaient attachés en une tresse serrée pour ne pas la gêner. Ses yeux brillaient d'une lueur féroce dans l'obscurité, mais au fond, on pouvait y déceler un mélange de peur et de résignation.

Son MP3 était solidement fixé à la ceinture de son pantalon noir, les écouteurs dissimulés sous le col de sa veste. "Physical" de Dua Lipa résonnait dans ses oreilles, mais la musique ne l'apaisait pas. Elle ne faisait que battre la mesure de ce qui allait suivre. La cadence des tambours correspondait au rythme de ses pas silencieux, sa respiration s'accordait à chaque souffle de la mélodie.

Soudain, un mouvement.

L'homme qu'elle attendait sortit de l'immeuble délabré, regardant autour de lui, méfiant. Il ne savait pas qu'il ne repartirait jamais. Elisa l'observa quelques secondes, cherchant le bon moment pour attaquer. Les Ombres Nocturnes avaient donné l'ordre, et même si cela la dégoûtait, elle ne pouvait pas refuser. Si elle le faisaient, elle mettait en danger Véronique et Arthur, ses amis si chers à ses yeux. Si elle échouait, ou si elle hésitait, ils mourraient tués.

Le regard de l'homme s'attarda une seconde trop longtemps sur une voiture qui passait. Elisa bondit.

Le monde ralentit autour d'elle tandis que son corps réagissait de manière presque automatique. Ses dagues fendirent l'air dans un sifflement aigu, et en quelques secondes, elle fut sur lui. La musique dans ses oreilles se fit plus forte, couvrant tout le reste, créant un contraste étrange entre la violence de ses actions et la légèreté de la chanson pop.

L'homme n'eut pas le temps de crier.

D'un geste fluide, Elisa planta une de ses dagues dans son épaule pour l'immobiliser, et avant qu'il ne puisse réagir, l'autre lame s'approcha de sa gorge. Elle le regarda droit dans les yeux, une fraction de seconde. Son souffle était lourd, ses mains tremblaient légèrement sous la pression. Ce n'était pas la première fois qu'elle tuait, mais chaque fois, c'était comme un poids qui s'ajoutait à son cœur déjà lourd.

D'un mouvement rapide et précis, elle en finit.

Le corps s'effondra dans un silence assourdissant, et pour la première fois, la musique dans ses oreilles sembla trop forte. Elle arracha ses écouteurs, l'air froid de la nuit brûlant ses poumons. Son regard s'attarda sur l'homme à ses pieds. Juste une autre victime. Juste un autre pion dans ce jeu sordide des Ombres Nocturnes. Ce groupe d'assassins qui la tenait en otage depuis si longtemps....

Un frisson parcourut son échine alors qu'elle essuyait ses dagues sur ses vêtements. Le poids de son double destin l'écrasait. Elle n'était qu'une adolescente de 15 ans, passionnée par la musique, une jeune fille qui aimait rigoler avec ses amis au collège, et pourtant, ici, la nuit, elle devenait quelque chose de bien plus sombre. Quelque chose qu'elle détestait.

Le téléphone dans sa poche vibra. Un message des Ombres Nocturnes : "Mission accomplie. Prépare-toi pour la prochaine."

Elisa serra les poings. Ce n'était jamais fini. Jamais assez. Tant qu'ils avaient Arthur et Véronique, elle serait toujours une marionnette dans leur main. Une tueuse contre son gré.

Elle s'enfonça dans l'obscurité de la ruelle, le sang encore frais sur ses dagues. Londres continuait de murmurer autour d'elle, mais pour Elisa, la nuit était devenue un cri silencieux.