CHEVALRESQUE

Chapitre 3 : Les liens du destin

Dix-sept années s'étaient écoulées depuis cette nuit tragique où le village des sorciers avait été réduit en cendres. Le jeune garçon abandonné à la porte du château était maintenant devenu un homme. Il avait grandi sous la tutelle du roi, éduqué comme un noble et entraîné comme un chevalier. Son nom était désormais Lorian, mais personne ne connaissait la vérité sur ses origines. Tous les sorciers avaient été anéantis cette nuit-là, du moins c'est ce que l'on croyait, et le souvenir de leur existence s'était effacé avec le temps.

Le château, imposant et majestueux, se dressait fièrement au sommet des collines. Ses tours élancées dominaient les vastes terres qui l'entouraient, et ses murs de pierre semblaient invulnérables aux assauts du temps. Lorian, maintenant âgé de dix-sept ans, se tenait dans la cour intérieure, son cœur battant à tout rompre. Aujourd'hui était un jour crucial, le jour où il serait officiellement promu au rang de chevalier, une reconnaissance qu'il avait attendue toute sa vie.

Il ajusta nerveusement l'armure légère qu'il portait, sentant le poids de ce moment peser sur ses épaules. Le ciel était clair, un bleu éclatant, comme s'il voulait bénir cette journée d'un éclat particulier. Mais Lorian avait d'autres préoccupations. Tandis qu'il se préparait à rejoindre la salle d'armes pour son entraînement final, ses pensées se tournaient vers elle.

La fille du roi.

Ils avaient grandi ensemble, deux enfants dans les couloirs du château, inséparables depuis l'enfance. À chaque instant de son parcours, elle avait été là, une présence constante, lumineuse. Son nom était Eléa. Et au fil des années, ce qui avait commencé comme une amitié innocente s'était transformé en quelque chose de bien plus profond pour Lorian. Un amour silencieux, caché derrière des sourires timides et des regards volés.

Alors qu'il traversait le grand hall pour rejoindre la salle du trône, les battements de son cœur s'accélérèrent. Il savait qu'Eléa serait là, et chaque rencontre avec elle était un mélange de joie et de douleur. Aujourd'hui, il espérait lui montrer, à travers sa réussite, combien elle comptait pour lui, même si cela devait rester non-dit.

Les lourdes portes du hall s'ouvrirent devant lui, dévoilant la salle du trône baignée de lumière. Le roi était assis sur son siège, un homme imposant dont l'âge commençait à marquer le visage de rides profondes. Il le regardait avec gravité, mais ce fut une autre silhouette qui attira l'attention de Lorian.

Eléa descendait lentement les marches d'un escalier adjacent, sa robe blanche flottant autour d'elle comme un rêve. Ses cheveux blonds, noués en une tresse élégante, brillaient sous les rayons du soleil qui filtraient à travers les fenêtres. Elle était resplendissante, et à cet instant, tout autour de Lorian sembla s'évanouir.

Sans même y réfléchir, il avança vers elle, ses pas résonnant faiblement dans le silence de la pièce. Son regard était rivé sur elle, et lorsqu'il arriva à sa hauteur, il s'agenouilla sans hésitation, baissant la tête avant de prendre délicatement sa main.

« Ma dame, » murmura-t-il, sa voix tremblant légèrement sous le poids de l'émotion. Ses lèvres effleurèrent doucement sa peau, un geste respectueux, mais rempli d'une tendresse qu'il ne pouvait plus cacher.

Eléa, surprise mais touchée, le regarda avec une douceur dans les yeux, un regard qu'elle réservait à Lorian depuis leur enfance. Le silence entre eux dura un instant, lourd de sens, une connexion silencieuse qui parlait plus que n'importe quelle parole.

Mais avant qu'ils ne puissent échanger un mot, le roi se leva brusquement de son trône, son visage fermé par une expression impénétrable. Il marcha lentement vers eux, son regard perçant interrompant ce moment fragile. Le poids de son autorité brisa l'instant intime comme un souffle froid.

« Lorian, » dit-il d'une voix grave, « Ce n'est pas le moment pour de tels gestes. Tu es ici pour une raison bien plus grande que des plaisanteries d'enfants. »

Lorian se redressa immédiatement, la gêne et la honte se lisant sur son visage. Il baissa les yeux, incapable de soutenir le regard du roi, bien conscient du poids de ses paroles.

« Va t'entraîner, » ordonna le roi, d'un ton tranchant. « Le moment de ta promotion approche, et tu ne seras pas jugé sur tes sentiments, mais sur ta valeur en tant que chevalier. »

Eléa voulut protester, mais une seule parole du roi la réduisit au silence. Elle tourna la tête vers Lorian, son regard brillant d'inquiétude. « Père... »

Le roi ne répondit pas. Il se contenta de se détourner, signe que la conversation était terminée.

Lorian, le cœur lourd, fit un pas en arrière avant de se courber respectueusement. « Comme vous voudrez, Majesté. » Sa voix était calme, mais intérieurement, il bouillonnait d'émotions contradictoires.

Il s'éloigna rapidement, quittant la salle du trône sans un dernier regard vers Eléa. Il savait que son devoir passait avant tout, mais le poids de l'amour non-dit pesait sur lui comme jamais auparavant.