Malgré mon salaire misérable, s'il y avait bien une chose que j'aimais dans mon travail, c'était le fait de bosser entre filles. Dès notre premier échange, Sylvie, la directrice de l'association m'a directement kiffé. C'était cette quarantenaire, mère célibataire, qui bataillait avec une adolescente insolente et un ex-mari absent et lâche. Elle perdait toujours sa paire de lunette sur sa crinière brune qu'elle attachait négligemment en chignon avec des bâtonnets comme le font les asiatiques. Sylvie, c'est l'inverse d'une Karen. D'accord, elle a fait de l'humanitaire en Afrique, a tenté d'adopter un enfant chinois mais elle se donne corps et âme pour les causes qui lui tiennent à coeur. Avant d'atterrir à ce poste, elle occupait une haute fonction au sein de l'association La Croix Rouge mais elle en avait marre de la bureaucratie. Lorsqu'elle m'a découverte à l'entretien, elle était ravie de découvrir que je cochais toutes les cases discriminatoires. J'allais devenir sa béat de la journée. Parce que oui, je ne mettais jamais de photo sur mon CV. J'avais un prénom et nom de famille, Adeline Pale, qui était assez « français passing » donc je souhaitais en profiter. Au final, c'est débile parce qu'ils finissent par découvrir que je suis noire en entretien.
Le fait d'être grosse est également discriminant à l'emploi. Je me souviens que lorsque je postulais dans des agences en comm, je remarquais qu'elles étaient toutes fines. J'ai compris que je ne ferais jamais partie de leur monde composés de macha, soja et salades heathy. Je précise salade « healthy» parce que lorsque Mariama m'invite chez elle à manger une salade dans un grand saladier commun à toute sa famille, c'est tout sauf pour perdre des calories. Bref, tout ça pour dire que Sylvie, elle a eu un coup de coeur pour moi au premier regard et je l'aime trop comme boss. Bon, elle est un peu bordélique et tête en l'air, on doit souvent penser pour elle mais elle est très gentille. C'est une vraie girl's girl. On a le droit à des congés en plus pour celles qui ont des règles douloureuses et elle nous demande toujours si ça va « vraiment ». La santé mentale, tout ça. A cet époque, ça faisait un an et demi que je bossais à l'asso et je m'entendais avec toute l'équipe. Camille était mon binôme et je dois dire qu'on assurait pas mal. Je n'aurais jamais cru m'entendre avec une meuf comme elle auparavant. Camille, c'est une fille de psychologues qui avait grandi à la campagne et fait des écoles privées. Elle est très ouverte d'esprit. Je crois qu'elle a plusieurs pronoms non-binaires et oui, elle a bien les cheveux bleus. J'avais beaucoup d'aprioris avant de la connaitre mais elle était super sympa et éveillée, j'en apprenais beaucoup avec elle sur le féminisme même si je savais qu'elle a une vision très blanche de ce sujet.
On est situé dans le 20e et je prenais le bus pour m'y rendre. Le quartier était chaleureux et populaire. Au début, j'avais du mal. Je quittais ma cité pour rejoindre le même décor mais on s'y habitue. Au final, les commerçants de la rue sont attachants, on y mange bien et durant notre pause, on se rend souvent à la friperie au bout de l'avenue voisine avec mes collègues.
— Non mais allez, montre moi ! S'impatienta Tatiana.
— J'aime pas, elle me va pas, j'affirmai recluse dans ma cabine.
— M'oblige pas à ouvrir sans ton consentement.
Tatiana c'est notre nouvelle stagiaire. Une grande blonde élancée aux yeux de biches. Dès qu'elle est arrivée, on s'est toute entendue. Elle vient d'une cité dans les Yvelines et met pratiquement deux heures à venir. Elle est spontanée et tout le monde l'appréciais dans l'équipe. On n'avait pas beaucoup d'écart contrairement aux autres donc on était souvent ensemble.
Je ne savais pas ce qui m'avait pris de vouloir essayer cette jupe, il était clair qu'elle n'était pas faite pour moi. Je détestais me sentir vulnérable devant des meufs comme Tatiana, j'aivais toujours l'impression de faire pitié. Lorsque je sortais de la cabine d'essayage, je baissais la tête inconsciemment.
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APOUTCHOU 2000
RomanceAD (aka Adeline pour les intimes), jeune femme d'une vingtaine d'années est inconnue des services de l'amour. Alors qu'elle s'apprête à abandonner l'idée d'être aimée, Cupidon viendra lui jouer des tours. En effet, la quête du mec mortel risque bien...