Louise et Lucas (Pardonne-moi) Tome 2

Chapitre 7 - (Louise) - Partir pour survivre

— Tu ne peux pas rester seule, Louise, murmure Jessica en sanglotant, la tête posée sur mes genoux.

Je lui caresse doucement les cheveux, presque machinalement, et mon regard croise celui de son mari. Lui aussi semble aussi inquiet qu'elle.

— J'ai besoin de partir, Jess. Je ne peux pas rester dans cette ville, je ne peux pas retourner à mon appartement.

— Reste chez nous, me propose-t-elle en relevant brusquement la tête. Tu as la chambre d'amis, tu sais bien que tu es toujours la bienvenue.

— Je le sais, et je te remercie, mais je ne peux pas. Vous êtes un couple, vous avez besoin de votre intimité.

Quand mes amis sont venus me chercher au commissariat, où le chauffeur routier m'avait déposée après m'avoir trouvée sur le bord de la route, j'étais dans un sale état. Le policier a dû attendre deux heures avant de m'interroger. Un médecin et un psychologue ont été appelés, croyant que j'avais subi une agression sexuelle. J'ai fini par leur expliquer que c'était juste une dispute avec mon petit ami, et qu'il m'avait laissée là, sur une aire d'autoroute. Je ne voulais plus penser à Lucas, je ne voulais même plus prononcer son nom. Je ne voulais plus avoir à faire avec cette Sofia et oublier toute cette histoire au plus vite. Faute de plainte, ils m'ont finalement laissée partir.

Depuis quelques jours, Jess et Thomas m'ont accueillie chez eux, mais les mêmes images me hantent chaque nuit. C'est insupportable. Alors, ce matin, j'ai pris ma décision. Je quitte cette région pour de bon.

— Tu vas me manquer, me dit Jess en soupirant, la tristesse dans les yeux.

— Toi aussi. Mais j'ai besoin de m'éloigner. Il faut que je tourne la page, que je recommence ailleurs.

— Tu peux venir chez moi, intervient soudain Clément.

Je le regarde, surprise. Depuis que je suis ici, Clément vient chaque jour prendre de mes nouvelles. Son invitation me touche, mais me rend mal à l'aise.

— Merci, Clément, mais je vais me débrouiller.

— Ne sois pas têtue, Louise, insiste-t-il avec un sourire en coin. Mon appart est immense, et puis, on se connaît un peu quand même.

Il essaie de rendre la situation légère, comme si tout cela n'était pas si grave. Mais il ne comprend pas que je suis loin d'être prête à entamer une nouvelle histoire. C'est insensé. Pour ne pas le vexer, j'essaie de lui faire comprendre que je ne suis pas intéressée.

— Clément, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je ne serais pas une colocataire idéale, crois-moi.

— Ne t'inquiète pas pour ça, répond-il avec un clin d'œil. Je te ferai oublier ce connard.

D'un coup, le silence s'installe. Jessica, Thomas et moi levons la tête en même temps, choqués par sa remarque.

— Je ne te permets pas de parler de lui comme ça. Ce ne sont pas tes affaires, Clément.

— Quelqu'un doit bien te le dire, réplique-t-il. Tu savais à quoi t'attendre en sortant avec un dealer.

Clément perd complètement le contrôle de ses paroles, et je vois Thomas se tendre à côté de moi.

— Il n'était pas un dealer ! Je viens de te dire que ce ne sont pas tes affaires.

— Peu importe, ce mec ne te mérite pas. Tu vaux bien mieux que ça, non ?

— Comme toi, peut-être ? m'emporté-je. Tu t'entends parler, Clément ? C'est toi-même qui avais découvert qu'il avait été incarcéré à tort ! Et maintenant, tu le juges ?

— Il est quand même retourné dans les bras de son ex à la première occasion, continue-t-il avec froideur. Désolé, Louise, mais les faits sont là.

Je sens la colère monter en moi, mes mains tremblent, et les larmes inondent mon visage.

— Sors de chez moi, Clément, dit calmement Thomas en se levant.

— Quoi ? Sérieusement, tu vas le défendre aussi ? Vous êtes tous complices. C'est pitoyable.

— J'ai dit dégage !

Clément, furieux, hurle :

— Vous ne comprenez rien ! J'ai bien fait de donner des infos à cette Sofia. Lucas ne mérite que de traîner avec des pourritures comme elle.

Un silence glacial s'abat sur la pièce. Jessica me serre dans ses bras, comme si elle pressentait que j'allais craquer.

— Qu'est-ce que tu racontes ? murmure-t-elle, les yeux écarquillés.

Clément pâlit soudain et regarde autour de lui, cherchant une issue, se rendant compte de la bombe qu'il vient de lâcher. Il attrape sa veste et se dirige précipitamment vers la porte, mais Thomas le rattrape dans le couloir.

— Je rêve ou j'ai mal compris ? siffle Thomas en l'attrapant par le col. Tu as balancé des infos à Sofia pour qu'elle puisse retrouver Lucas ? T'imagines ce que tu viens de dire ?

Je suis pétrifiée, incapable de comprendre. Je finis par balbutier :

— Pourquoi, Clément ? Pourquoi tu as fait ça ?

— Parce que tu m'as jeté pour lui, Louise. Tu t'es laissée séduire par une racaille, alors il fallait bien que quelqu'un te montre qui il est vraiment.

Thomas, furieux, attrape son téléphone et compose un numéro.

— Oui, bonjour, Maître Lambert ? Je veux déposer une plainte contre Maître Guichard pour défaut de loyauté et de confidentialité. Oui, je patiente.

Il se tourne vers Clément.

— Sors d'ici, Clément. Et ne t'approche plus jamais de nous. La justice va s'occuper de toi.

Clément s'enfuit sans un mot. Le reste de la soirée est lourd de silence. Thomas m'explique que ce genre de trahison est rare mais peut arriver. Je vois bien qu'il est dépité d'avoir découvert que son ami et témoin de mariage s'est avéré être un avocat véreux. Toute cette histoire tourne en ridicule.

Je suis encore sous le choc. Sofia n'est donc pas revenue dans la vie de Lucas par hasard... mais cela n'excuse en rien ce qui s'est passé. Je lui en veux au plus profond de moi de son manque d'honnêteté et de confiance. Une vague de nausée me submerge et je cours vomir.

C'est un crève-cœur de quitter mes amis, mais je dois m'éloigner au plus vite pour ne pas devenir complètement dingue.

Jessica, toujours à mes côtés, tente de me convaincre que j'ai peut-être jugé Lucas trop vite. Mais je ne peux plus. Elle finit par me révéler qu'il l'a appelé plusieurs fois et laissé de nombreux messages auxquels, elle n'a jamais répondu.

— Tu devrais au moins lui dire que tu es en vie, murmure-t-elle.

— Il a perdu mon amour, Jess. Il n'existe plus pour moi.

Dans la nuit, Jessica finit par accepter mon départ mais elle me fait promettre de l'appeler chaque jour. 

Demain, je serai partie.