Grand huit

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Je préfère prévenir en amont, il y a quelques mots qui peuvent heurter dans ce chapitre, surtout si vous êtes sensibles. Faites attention à vous 🫶🏻
Bonne lecture 📖

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Au moment de rentrer, Jordan proposa gentiment à Gabriel de le raccompagner et lui tendit son téléphone pour qu'il puisse y inscrire son adresse sur le GPS pour lui faciliter la conduite. Avant de poser le téléphone sur le support au centre du tableau de bord. L'iPhone de Jordan vivra et une notification apparu.

Les yeux de Gabriel s'écarquillèrent en lisant le premier message qui s'affichait à l'écran. Il était inscrit noir sur blanc « J'aurais aimé ne jamais te voir naître, tu es ma plus grosse honte. », puis un autre message « Je te déteste » et enfin, un dernier qui frappa Gabriel en pleine face : « Ta putain de mère aurait dû avorter. ».

Le coeur de Gabriel s'accéléra et ses mains commencèrent à trembler légèrement. Comment un être humain pouvait-il prononcer de tels mots ? Le malaise l'envahissait, mais il ne pouvait détacher ses yeux de l'écran. Il sentait quelque chose de sombre et de profondément intime se dévoiler devant lui.

Jordan, concentré sur la route, ne semblait pas remarquer la tension qui s'était installée dans l'habitacle. Le silence devenait presque assourdissant, et le trajet, qui n'aurait dû durer que quelques minutes, paraissait soudain interminable.

- Avez-vous oublié le nom de votre rue monsieur Attal ? demanda Jordan d'une voix joyeuse, un sourire illuminant son visage, laissant apparaître ses fossettes charmantes.

Gabriel ne répondit pas tout de suite, la gorge serrée. Il murmura finalement, d'une voix tremblante :

- Qu'est-ce que...

Son visage était livide, ses yeux toujours fixés sur l'écran. Jordan, intrigué par ce changement d'attitude, jeta un coup d'œil au téléphone et vit le nom du correspondant. En une fraction de seconde, il arracha le téléphone des mains de Gabriel. Son expression changea brutalement. Toute la lumière qu'il dégageait quelques secondes auparavant s'effaça, laissant place à un masque de douleur mal dissimulée.

Merde.

Un lourd silence s'installa entre eux. Le visage de Jordan se crispa, ses mains se serrèrent sur le volant. Ses phalanges devinrent blanches sous la pression. Il avait l'air d'un homme pris au piège, incapable de fuir ses propres démons.

- Indiquez-moi votre adresse, dit-il, d'une voix soudain plus froide, presque mécanique.

Gabriel, bouleversé par ce qu'il venait de lire et par l'attitude soudainement fermée de Jordan, lui donna l'adresse d'une voix hésitante. Le trajet reprit, mais l'atmosphère dans la voiture avait radicalement changé. Ce qui avait commencé comme un retour tranquille prenait désormais une tournure oppressante.

Les lumières de la ville défilaient à l'extérieur, mais dans l'habitacle, tout semblait figé. Jordan avait plongé dans un mutisme lourd, ses traits tendus, ses yeux fixés sur la route comme s'il cherchait à échapper à quelque chose qu'il portait en lui depuis longtemps.

Gabriel se sentait tiraillé entre le désir de parler, de dire quelque chose pour briser cette tension, et la peur de réveiller une douleur encore plus grande. Il pouvait sentir, dans chaque geste de Jordan, la peine profonde qui le dévorait, comme une vieille blessure jamais refermée.

- Ce n'est rien, lâcha finalement Jordan d'une voix basse, presque inaudible. Rien du tout.

Mais Gabriel savait que c'était tout sauf rien. Ces messages, ces mots d'une cruauté inouïe, n'étaient pas ceux d'une simple dispute. Ils portaient en eux un poison, un venin qu'il était impossible d'ignorer. Le cœur de Gabriel se serra, non pas à cause des mots qu'il avait lus, mais en voyant l'homme à côté de lui, si désemparé, si vulnérable.

Ils arrivèrent enfin devant chez Gabriel. La voiture s'arrêta doucement, mais aucun des deux hommes ne bougea. Jordan gardait les mains crispées sur le volant, les yeux fixés sur l'horizon. L'espace d'un instant, Gabriel crut voir ses yeux briller sous les lumières des réverbères, comme si la douleur avait finalement franchi le mur qu'il s'était construit. Mais Jordan se ressaisit rapidement, cligna des yeux et ravala cette peine qui menaçait de le submerger.

- Merci de m'avoir raccompagner, murmura Gabriel en ouvrant la portière. Mais il ne sortit pas tout de suite.

- Ce n'est pas la peine de vous inquiéter, dit Jordan, sans le regarder. Ça fait partie de moi, même si ce n'est pas toujours évident, avoua le plus jeune en détournant le regard.

Gabriel sentit son cœur se serrer davantage. Il ne savait pas quoi dire. L'homme qui paraissait si fort, si confiant au regard de tous, semblait soudain minuscule, écrasé par un fardeau invisible.

- Si vous avez besoin de parler... Je suis là, Jordan, dit Gabriel, presque timidement, avant de sortir définitivement de la voiture.

Jordan ne répondit pas. Il hocha simplement la tête, le regard toujours perdu quelque part dans le vide. Il attendit que Gabriel entre dans son immeuble avant de redémarrer le moteur.

Alors qu'il s'éloignait, Gabriel regarda la voiture disparaître dans la nuit, une tristesse indescriptible lui serrant la poitrine. Comment un être aussi lumineux pouvait-il porter un poids aussi lourd ?

La fin de la soirée ressemblait à un grand huit. Ce qui avait commencé en douceur, comme une montée tranquille, s'était rapidement transformé en une descente vertigineuse, digne d'un grand huit. Les émotions de Gabriel montaient en flèche, l'incompréhension et la peine s'entremêlant, tandis que celles de Jordan dévalaient à toute vitesse, imprévisibles, incontrôlables. À l'arrivée, tout s'arrêta brusquement, les laissant essoufflés, le coeur battant, encore secoués par l'intensité du tour. Il n'y avait ni cris de joie ni soulagement à l'arrivée, juste une profonde sensation de vide et de vertige, comme si quelque chose d'important venait de se briser en eux, sans qu'ils sachent encore comment le réparer.

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Note : Ce chapitre explore la complexité de la souffrance silencieuse. Jordan, habituellement si maître de lui-même, dévoile ici, malgré lui, une douleur profondément enfouie. Les mots cruels lus par Gabriel ne sont que la surface d'un gouffre intime que les deux hommes devront affronter.

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Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
C'est l'un de mes préférés, vraiment, j'ai adoré l'écrire !

Je tiens à remercier Hilinktales qui joue un rôle essentiel dans cette histoire 🫶🏻
Je vous invite à découvrir son incroyable histoire « Échos des Brumes », vous ne serez pas déçu(e) !

Merci à tous 🙏🏻

Derrière la façade - Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant