23 février 1890, Ontario.
Nuit noire, nuit sombre, nuit obscure. Perdu dans ces couloirs que formaient les maisons. Accompagné d'une cigarette, cigarette qui se consumait à petit feu. Seul sous les projecteurs artificiels de la nuit. La neige se teintait de rouge au contact de ses semelles. Sa canne se balançait à ses côtés au rythme de ses pas.Il remplit une dernière fois ses poumons de cette fumée opaque et écrasante avant de jeter le mégot. Un homme plus vieux sortit d'un coin mal éclairé, traînant une valise au tissu humide et dégageant une odeur mortelle. Il rejoignit le plus jeune et tous deux accélérèrent le pas.
— Vous avez bien fait de vous en départir. Elle vous pourrissait la vie, intervint le plus vieux.
Oliver laissa échapper un soupir et tira le rebord de son chapeau haut forme, dans le but de cacher ses yeux.
— Que faisons-nous à présent ?
Barney s'immobilisa. Une rambarde l'empêchait d'aller plus loin et de plonger dans les profondeurs de l'eau glaciale. Un sourire malsain se dessina sur ses lèvres, faisant remonter les extrémités de sa moustache. Oliver comprit aussitôt ! Ils allaient la jeter dans le lac Ontario.
— Comment allons-nous mettre cela sur le dos d'une disparition ?
— Je me charge de tout ! Vous n'avez qu'à exécuter ce que je vous demanderai de faire.
Oliver acquiesça d'un signe de tête. En moins de deux, la valise dégringola la falaise et percuta l'eau gelée, éclaboussant les rochers aux alentours. Barney tourna les talons et poursuivit sa route. Oliver se retrouva à nouveau seul. Yeux attachés à l'eau mouvante, peut-être espérait-il revoir la valise faire surface. Trois cents secondes s'écoulèrent, avant qu'il ne soit persuadé de ne plus jamais la revoir et il imita son majordome.
Les mains dans les poches, la tête basse, une sensation étrange le rongeait de l'intérieur ; comme s'il venait de commettre une grave erreur. Il se résigna, il ne s'agissait pas de son premier meurtre, mais pourquoi celui-ci lui faisait autant d'effets ?
Il s'arrêta. Devant les escaliers de son manoir, il se trouvait là, les mains ramenées sur la poignée de sa canne.
— Je ne sais pas pourquoi, mais celui-ci m'affecte...
Sa tête se pencha davantage et ses yeux fixèrent ses souliers. Les sourcils épais de Barney se froncèrent et assombrirent son visage. Il fit quelques pas vers son maître et le força a regagner son éloquence.
— Savez-vous pourquoi vous avez agi de la sorte. Elle s'agissait d'une menace pour vous et pour votre réputation. Elle ne vous aimait pas...Vous même avez retrouvé un couteau sous son oreiller ! Dieu sait quand l'aurait elle utilisé contre vous ?
— Les autres n'égalaient en rien ce que je ressentais pour elle...
— N'oubliez pas Sir. Wallace que les sentiments rendent aveugle, faible et insouciant.
Il lui tapota l'épaule en geste de camaraderie en cette soirée sombre d'hiver, puis insista le plus jeune à regagner son lit. Oliver fronça les sourcils : « Et si, après tous ses meurtres, il méritait une place au paradis, ce serait là sa plus grande ironie. »
Au même moment l'horloge commença à annoncer la nouvelle journée. Oliver poussa la porte d'entrée. Il n'eut pas le temps de retirer son chapeau qu'un coup violent lui percuta la gorge. Les murs, les cadres, tout se teinta de rouge, tandis que l'air s'emplit de l'odeur métallique du sang. Il venait de perdre la tête aux douzièmes coups de minuit sous le regard apeuré de son acolyte qui gagna le même châtiment.
VOUS LISEZ
Aux douze coups de minuit
ParanormalEn février 1890, Oliver Wallace, un homme tourmenté par ses péchés, perd la raison et devient le spectre d'un manoir qu'il hante, condamné à errer jusqu'à ce qu'un véritable amour puisse le libérer. Près d'un siècle plus tard, en 1989, Ariane et sa...