Chapitre 4

8 2 2
                                    

— J'ai entendu une voix ! Vois-tu quelqu'un ?

Mia pénétra à son tour dans la maison. Ses yeux se baladèrent sur les murs, les cadres, les meubles, puis elle s'attarda sur le plancher. Une énorme tache rouge, que quelqu'un avait tenté de sabler, reposait à ses pieds. Mia fronça les sourcils, s'agenouillant pour observer de plus près la tache : « Du sang ? » murmura-t-elle, ses doigts effleurant à peine le bois lisse. La surface avait été polie avec soin, mais rien ne pouvait cacher complètement ce qu'il s'était passé.

— Il doit s'agir d'un élément de la fameuse soirée, proposa Mia.

Ariane s'en approcha et imita sa sœur. Elle ferma les yeux, laissant son esprit la quitter et rejoindre les souvenirs d'antan. Son cœur s'affola ! Elle le sentait frapper contre sa cage thoracique et résonner jusqu'à ses clavicules. Ses jambes s'affolaient, tremblaient, allaient bien l'abandonner... elle résista. Elle devait se calmer, mais comment ?

Ariane serra les poings, tentant de repousser les images qui s'insinuaient dans son esprit. c'était comme si le manoir la forçait à voir ce qu'elle ne voulait pas. Pas encore, pas maintenant, elle n'eut d'autres choix que de subir ce film qui jouait devant elle : une hache, du sang et cette tête qui roulait lentement sur la plancher. Les lamentation d'une horloge l'a fit sursauté. Elle reprit contrôle de son corps.

— C'est bien ce que tu crois ! lança-t-elle.

— Du sang... Après tout ce temps ? Est-ce vraiment possible ?

L'impossible existait lorsqu'on parlait d'être invisible. L'humain le rendait impossible, car trop peureux pour l'affronter. Ariane elle-même avait tenté de fermer son don. Entendre la détresse des défunts, s'immiscer dans leur vie privée... se faire traiter de folle ou de charlatan. Il s'agissait d'un don offert par Satan en personne.

Mia se redressa et hurla :

— Est-ce qu'il y a quelqu'un !

Aucune réponse. Le silence absolu. Ariane eut une absence, oubliant ce qu'elle venait faire ici... En réalité qui ou quoi l'avait poussé à quitter le confort de son lit ? Ce qui l'a poussa à demander :

— En quelle année a eu lieu le meurtre, déjà ?

— À la fin du vingtième siècle. Ça va faire bientôt cent ans.

Un siècle les séparait et pourtant la demeure n'habitait aucune poussière, aucune toile d'araignée, aucune dégradation... comme si le temps c'était arrêté depuis les douze coups de minuit. Se trouvait-elle dans une maison abandonnée ? Elle doutait. Pourquoi avait-elle la sensation que ses grands-parents l'accueilleraient, les bras chargés d'amour.

Un tapis rouge jonchait le salon. Des rideaux lourds frappaient le sol. Les bibelots qui ornaient le mobilier acajou et le papier peint scintillaient de milles éclats. Ses yeux s'attardèrent sur une boîte en argent, dépourvue de rouille, déposée sur la cheminée. Celle-ci semblait l'appeler, l'influencer à la prendre... Ariane savait qu'elle ne devait pas la toucher, mais ses doigts picotaient, tremblaient d'envie de l'effleurer. Une voix douce cette fois-ci, féminine, l'interpellait : « Il n'y a aucun danger... Rien qu'un moment empreint de lumière. » Elle recula d'un pas. Des murs invisibles l'encadrait, formant un couloir qui menait à la boite. Elle déglutit. Cette voix sonnait fausse... « Ne l'écoute pas ! Pars avant qu'il ne soit trop tard. » Se fit entendre un voix plus ferme, celle d'un homme, celle d'Oliver.

Ariane secoua la tête. Elle souhaitait laisser de côté ces voix parasites. Qui avait réellement raison ?

— Oliver ? osa-t-elle prononcer, le nom sortant de ses lèvres sans même qu'elle comprenne d'où il venait.

Soudain, une voix plus criarde perça son tympan gauche, comme si elle se trouvait juste à côté d'elle : « Laisse-moi tranquille ! Ne fais pas comme les autres ! »

Les autres ? De qui parlait-il ? Une sensation étrange envahit Ariane, comme si cette accusation lui était destinée, mais elle ne comprenait pas pourquoi. Une masse se déposa sur son épaule. Elle sursauta, croisant le regard grave de sa sœur.

— Tu semblais piégée dans une autre réalité. Est-ce que ça va ?

Ariane repris ses esprits. Les murs s'étaient dissipés. Encore confuse, elle baragouina des mots.

— Une voix... partir, il faut partir !

Mia d'accord avec les propos de sa sœur engagea le pas et se précipita à l'extérieur. Ariane resta un long moment sur le seuil de la porte, comme si une autre force refusait qu'elle la quitte. Elle se résigna. Son pied sorti du dôme sombre. Elle regagna en légèreté, mais cette petite visite l'avait laissé sur sa faim. Elle se jurait de revenir.

Aux douze coups de minuit Où les histoires vivent. Découvrez maintenant