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Ellie ouvrit doucement la porte de sa chambre d'hôtel, vérifiant si Kate était encore là. Le lit était vide, soigneusement fait, un signe que Kate était probablement retournée dans sa propre chambre. Ellie soupira légèrement, se disant qu'elle devrait peut-être aller voir Kate plus tard pour s'assurer qu'elle allait bien après la soirée désastreuse qu'elle avait eue. Mais pour l'instant, ses pensées étaient ailleurs, tiraillées entre la colère qu'elle ressentait toujours envers son père et une étrange forme de nostalgie qui l'envahissait, un mélange d'émotions qu'elle peinait à comprendre.

Dans un élan de bienveillance, malgré ce tumulte intérieur, Ellie fit un pas en arrière et proposa à son père de rentrer. Peut-être qu'une partie d'elle voulait encore quelque chose, un moment où elle pourrait se sentir à nouveau comme la petite fille qu'elle avait été, avant que tout ne s'effondre.

Ellie : « Tu veux entrer ? »

Son père sembla surpris par l'invitation, mais il hocha la tête, visiblement heureux.

Père : « Bien sûr. Si tu es d'accord. »

Ellie le laissa entrer, refermant la porte derrière lui avec une certaine lenteur, ses pensées dérivant déjà ailleurs. Une idée la traversa soudainement. Elle se rappela à quel point, enfant, elle admirait son père. Il avait toujours été son mentor, surtout lorsqu'elle avait commencé à s'intéresser à la photographie. Ce souvenir la toucha plus qu'elle ne l'aurait voulu. Elle réalisa qu'une partie d'elle souhaitait encore lui montrer ses réussites, comme si elle avait quelque chose à prouver. Comme si elle était encore cette petite fille, désespérée de recevoir une approbation qui n'était jamais venue.

Ellie : « Je voulais te montrer quelque chose. »

Elle se dirigea vers son ordinateur et ouvrit un dossier rempli de ses clichés préférés, des photos dont elle était particulièrement fière.

Ellie : « Ce sont des photos que j'ai prises pendant la tournée. »

Elle dit cela d'un ton détaché, comme si elle cherchait à minimiser l'importance que cela avait pour elle.

Son père s'approcha, observant les images qui défilaient sur l'écran. Ellie restait silencieuse, retenant son souffle, essayant de lire dans ses yeux une quelconque réaction, un signe qu'il voyait en elle l'artiste qu'elle était devenue. Elle lui montra des paysages, des visages, des moments capturés à la volée. Elle montra même une photo de Livaï.

Ellie : « Tu te souviens de lui, n'est-ce pas ? Livaï... »

Son père hocha lentement la tête, l'air pensif.

Père : « Bien sûr que je me souviens de lui. Un sacré chien... »

Ellie ferma les yeux un instant, essayant de calmer la vague d'émotions qui montait en elle. Ce moment, où elle montrait son travail à son père, ressemblait tellement à une version tordue de son enfance. Elle se rappelait ces moments où elle rentrait de l'école, excitée à l'idée de lui montrer les photos qu'elle avait prises avec l'appareil qu'il lui avait offert. Il l'avait encouragée, soutenue. C'était peut-être l'une des rares choses qu'ils partageaient vraiment à l'époque.

Père : « Tu as vraiment un talent incroyable, Ellie. »

Il la regarda, son visage sérieux, presque ému.

Père : « Je suis fier de toi. »

Ces mots la frappèrent comme un coup de poing. « Fier. » Un mot qu'elle n'avait pas entendu depuis si longtemps venant de lui. Elle détourna le regard, incapable de le fixer, sentant ses yeux se remplir de larmes qu'elle refusait de laisser couler. Il ne méritait pas de la voir pleurer, pas après tout ce qu'il avait fait. Mais elle ne pouvait nier que ces mots la touchaient plus qu'elle ne voulait l'admettre.

Ils restèrent silencieux pendant quelques minutes, son père continuant d'admirer les photos. Le silence n'était pas tout à fait inconfortable, mais il y avait quelque chose de suspendu dans l'air, une tension sous-jacente que ni l'un ni l'autre ne savait comment aborder.

Finalement, son père rompit le silence. Il se racla légèrement la gorge, comme s'il se préparait à dire quelque chose de difficile.

Père : « Ellie... je dois te parler de quelque chose. »

Ellie tourna la tête vers lui, curieuse mais aussi méfiante. Elle pouvait voir dans son regard qu'il avait quelque chose d'important à dire, mais elle ne savait pas si elle était prête à l'entendre.

Il fouilla dans la poche de sa veste et en sortit une enveloppe. Ellie fronça les sourcils en la voyant, une boule se formant immédiatement dans son estomac. Elle tendit la main pour prendre l'enveloppe, sentant déjà que quelque chose n'allait pas.

Ellie : « Qu'est-ce que c'est ? »

Elle demanda d'une voix plus froide qu'elle ne l'aurait voulu.

Son père la regarda, visiblement mal à l'aise.

Père : « C'est juste... une formalité. »

Ellie ouvrit l'enveloppe avec précaution, sortant les feuilles de papier qui se trouvaient à l'intérieur. Elle commença à lire, et plus elle avançait, plus son cœur se serrait. Les mots sur la page lui semblaient flous, comme s'ils n'étaient pas réels. Mais ils l'étaient. Le document stipulait qu'en signant, elle renonçait définitivement à toute aide financière de la part de son père, sous prétexte qu'elle était maintenant adulte et indépendante.

Elle releva les yeux, ses mains tremblantes, des larmes de colère montant en elle. Elle sentit son estomac se nouer, la nausée la gagner.

Ellie : « T'es sérieux ? »

Elle demanda, sa voix étouffée par l'émotion.

Son père, visiblement mal à l'aise, évita son regard.

Père : « Tu n'as plus besoin de mon soutien, Ellie. Tu es forte, tu as un travail, tu réussis. Cet argent... il pourrait être mieux utilisé pour Luca et Brandon. Pour leur futur. »

Luca et Brandon. Ces deux prénoms résonnèrent dans la tête d'Ellie comme une gifle. Elle avait presque oublié cette autre partie de la conversation, celle où son père lui avait parlé de ses deux autres enfants, nés après qu'il l'eut abandonnée. Ce rappel fit monter en elle une vague de rage qu'elle n'avait pas ressentie depuis longtemps.

Ellie : « Donc c'est ça ? »

Elle souffla, sa voix tremblante de colère.

Ellie : « Tu veux que je signe ce papier pour que tu puisses concentrer tes ressources sur tes vrais enfants ? »

Père : « Ce n'est pas ça... »

Mais Ellie l'interrompit.

Ellie : « Non ! C'est exactement ça ! Tu m'as abandonnée. Toi et ta nouvelle famille, vos enfants parfaits, dans votre nouveau monde parfait. Et maintenant, tu veux que je disparaisse aussi de cette partie de ta vie ? Que je sois officiellement rayée de ton existence ? »

Son père ouvrit la bouche pour protester, mais les mots semblaient lui manquer. Ellie était trop en colère pour l'écouter de toute façon. Elle signa rapidement le document d'une main tremblante et le lui tendit, ses yeux brûlants de larmes qu'elle refusait de laisser couler devant lui.

Ellie : « Voilà, c'est fait. Tu peux partir maintenant. Félicitations, tu as enfin réussi. Tu m'as effacée. »

Son père la regarda, visiblement déstabilisé.

Père : « Ellie, je ne voulais pas que ça se passe comme ça... »

Ellie : « Dégage, » cracha-t-elle, sa voix froide et tranchante. « Maintenant. »

Il hésita un instant, mais finit par se lever et quitter la chambre, l'air abattu. Lorsque la porte se referma derrière lui, Ellie resta figée quelques secondes avant de s'effondrer complètement, des sanglots incontrôlables secouant son corps. Elle glissa au sol, son dos contre la porte, sentant tout son monde s'effondrer une nouvelle fois.

Elle avait voulu croire, elle avait voulu espérer, mais une fois de plus, il l'avait trahie. Et cette fois, elle savait que c'était définitif.

Beyond the lens - Billie EilishOù les histoires vivent. Découvrez maintenant