prologue.
MILLOW'S MP3
PISTE UNE;
midnight (kobzx2z)L'air a le goût de la pluie. L'eau ruisselle par terre, avec quelques teintes de rouge qui se mêlent au goudron. J'aimerais dire que le Ciel pleure, mais ce n'est que ma peau.
Je fouille frénétiquement à l'intérieur de mon sac depuis plusieurs secondes, à la recherche d'un pansement ou d'une compresse pour mes genoux. Le bitume ne m'a pas fait de cadeau, ma peau n'est pas juste éraflée, elle est ouverte. C'est ça le problème lorsque je tente d'esquiver mes problèmes, ils reviennent teinter mon corps d'une couche d'hémoglobine.
Soupir. Je ne me promène jamais avec un pansement. Encore moins plusieurs. Mais il faut que je cherche, autrement je devrais me focaliser sur la douleur.
L'abri de bus me protège à peine de la pluie et de son acharnement, j'ai les cheveux trempés. On dirait qu'elle cherche à me les delaver, à éparpiller ma teinture en chromes bleutées un peu partout dans la ville.
Si seulement mes cheveux étaient ma seule préoccupation.
Je sors mon téléphone, l'écran est autant fissuré que le reste de ma vie. Quinze minutes à attendre sous le ciel noir d'un lundi matin. Je sais que je dois me résigner. Le bus ne passe pas. Il ne passera pas. Il me laisse tomber, lui aussi. Un véritable soupir quitte ma bouche alors que je relâche ma lèvre inférieure de l'emprise de mes dents.
L'air a toujours le goût de la pluie mais l'atmosphère se resserre autour de moi pour ramener des effluves de danger contre mes narines. Je jette un coup d'œil derrière moi, la forêt qui borde mon arrêt paraît immobile. Éteinte. Elle reflète mon état d'esprit aujourd'hui. Vide. Je n'ai plus peur de voir un monstre en surgir pour planter ses griffes autour de mon cou.
Au point où j'en suis.
Le bruit d'un moteur coupe la parole monotone du silence. Je me détourne de la forêt pour lancer mon regard sur la route. Les phares d'une berline toute aussi noire que le ciel poignardent mes iris. Je plisse les yeux, la voiture semble foncer à pleine vitesse vers mon arrêt de bus, vers ma silhouette. Je serre mon sac contre ma poitrine, ma peur absente tourbillonne jusqu'à se planter dans un coin de mon esprit. Elle se fait ressentir cette fois.
C'est une coïncidence. Ils sont juste pressés de rejoindre leur destination. La berline ressemble à celle de mes problèmes parce que c'est un modèle commun. C'est tout.
Mes pensées clignotent autour du noyau de mes angoisses, mais elles n'arrivent pas à se focaliser sur une seule chose. Enfin, si. Une phrase que je redoute s'installe entre mes tempes. La police d'écriture est énorme, elle est même surlignée en gras, je ne parviens pas à l'ignorer.
Ils m'ont retrouvée.
Moi.
Eux.
Seule.Je me lève en sursaut. Ma main se glisse à l'intérieur de ma poche pour récupérer mes clés, que je place entre mes doigts. Le bruit du moteur gronde avec plus d'insistance. Mes genoux me lancent. Je ne suis pas en état de taper la pointe de ma vie. Peut-être que si j'attends qu'il soit à ma hauteur et que je cours dans l'autre sens, je m'offre une chance? Le temps qu'il fasse demi-tour, j'ai le sentiment que je n'aurais fait qu'un mètre à peine.
C'est pas grave. Je dois essayer. La voiture n'est pas le fruit de mon imagination, elle est encore moins une paralysie du sommeil, non, elle est bien réelle.
J'attends. Les pneus de la berline crissent devant moi. Ils s'apprêtent à freiner. Je me tourne sans une seule hésitation et accélère. Je préfère courir le long de la route que de m'engouffrer dans la forêt. Les arbres vont m'engloutir, effacer les yeux témoins, creuser ma tombe avant l'heure.
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MILLOWEEN
RomanceFuir. Millow ne fait que fuir les problèmes qu'elle attire sur son épiderme bleutée. La peau à vif, le souffle court, les paupières lourdes de cauchemars, les battements de cœur qui supplient la pitié des étoiles, elle arrive à Londres pour fuir ses...