Chapitre 2 :
survivre.La pluie frappe le béton de Londres depuis plusieurs minutes. Elle semble vouloir me suivre où que j'aille. Le ciel préfère pleurer autour de moi plutôt que de laisser les rayons de l'Astre réchauffer ma peau. J'ai presque les lèvres bleues à force de me tenir sous les gouttes froides.
Ma veste est trempée, démunie d'une capuche, si bien que j'ai dû enrouler mon écharpe sur mes cheveux. De toute façon, mon apparence est ruinée depuis l'épisode de l'arrêt de bus. Complètement ruinée. Je me prends des coups d'œil en coin par les passants.
Soupir. Je rallume mon téléphone, sachant que l'écran affichera quelques maigres restants de batterie. Je crois que je suis à la bonne adresse de toute façon. Un immeuble un peu délabré se tient devant moi, un escalier métallique accompagne la façade pour grimper le long des fenêtres.
Nazra m'a demandée de passer par l'arrière, pour ne pas risquer de croiser sa mère. Même si, selon elle, sa mère navigue rarement dans un état d'esprit assez sobre pour remarquer quoique ce soit. Ses veines sont souvent imbibées de toutes sortes de substances. Je trouve ça plutôt triste. Évidemment que ça l'est. Ça fait parti des démons de mon amie.
— Millow?
Une voix féminine traverse les échos de la pluie. Je lève la tête, Nazra est penchée sur l'escalier, à plusieurs hauteurs de moi. Je reconnais ses longs cheveux noirs parsemés d'ondulations. Elle me fait signe de monter, un air que je reconnais comme urgent sur le visage.
J'enfile la anse de mon sac sur ma poitrine pour qu'il ne me gêne pas, et reporte de nouveau mon attention sur les escaliers.
À chaque grondement de moteur dans la rue, chaque répercussion de pas, j'ai l'impression que mes dettes vont se matérialiser derrière moi pour me noyer sous la pluie. La fatigue alourdit tous mes sens, si bien que mon instinct de survie ronfle presque à l'intérieur de mon corps. Il ne m'a jamais été d'une grande utilité, ce traître.
Les escaliers n'atteignent pas le sol, ils commencent au niveau du premier appartement. Je plisse ma jupe et pose mes mains sur la gouttière que j'ai en face de moi. Quand il faut, il faut. Ma vie de fugitive m'a appris bien des choses, aussi insensées les unes que les autres. Escalader des immeubles n'est pas une première, mais le faire au milieu de Londres me grise quelque peu.
Millow, cambrioleuse londonienne professionnelle, premier épisode.
À croire que je suis l'amante d'un riche homme d'affaires trop peureux pour me déverrouiller le hall de son immeuble. Malheureusement, mes expériences ne sont pas si exotiques. Elles sont plus morbides.
Je me hisse à l'aide de la gouttière, essayant de ne pas trop glisser. Ce n'est pas une mince affaire, la pluie accroche mes semelles et rend l'opération délicate. Les muscles de mes bras brûlent également, à cause de mon manque d'exercices, l'imitation de tractions puise l'oxygène stockée dans mes poumons.
Après plusieurs tentatives ratées, je réussis à balancer mon corps sur la barrière des escaliers, les paumes rougies par l'effort et le souffle court. Je relève la tête, celle de Nazra est visible trois étage plus haut. Je ne prends même pas la peine de m'appuyer sur mes genoux pour me reposer une seconde, ils sont encore douloureux de toute manière.
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MILLOWEEN
Roman d'amourFuir. Millow ne fait que fuir les problèmes qu'elle attire sur son épiderme bleutée. La peau à vif, le souffle court, les paupières lourdes de cauchemars, les battements de cœur qui supplient la pitié des étoiles, elle arrive à Londres pour fuir ses...