Chapitre 31

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Allongé sur son lit et les yeux fixés au plafond, Dreis patientait. Son regard déviant sur des fissures çà et là dans la pierre. Son père lui avait demandé de se rendre dans sa chambre et de l'attendre depuis déjà une demi-heure. Le jeune homme ressassait les derniers évènements depuis tout ce temps, complètement perdu. Loucas ayant été conduit à une chambre d'ami, il n'avait personne à qui parler.

Ses mains tremblantes agrippaient la couverture et des larmes coulaient sur ses joues. Un sanglot souleva son torse et resta coincé dans sa gorge alors qu'il se demandait comment la situation avait pu déraper à ce point. Le visage résigné et honteux de Kélima se matérialisa dans son esprit.

Un coup bref à la porte le fit sursauter. Sans attendre de réponse, la porte s'ouvrit et son père entra. Sans un mot, il s'approcha de lui, une expression grave peinte sur le visage. Pourtant, derrière son regard qui se voulait profond et triste, Dreis décela une étincelle cruelle et glaciale. Son père n'avait jamais réussi à cacher entièrement sa folie devant lui. D'aussi loin qu'il puisse se souvenir, il l'avait toujours terrifié. Jamais l'homme n'avait usé de violence ni de sévices cruels envers lui, mais derrière ces murs de pierres froides dans le manoir, l'enfant qu'il était avait entendu bien plus de choses qu'il n'aurait dues.

Des mots, des contrats pour les plus calmes, des coups et des cris pour les plus angoissants.

Plus jamais l'image de son père sortant de son bureau les mains couvertes de sang, n'avait pu s'effacer de l'esprit de Dreis. À la mort de sa mère, alors adolescent, il avait dû supporter la présence de son père sans plus d'échappatoire. Son dernier recours avait été Loucas. Il s'éclipsait plusieurs fois par mois pour retrouver son ami. C'est un jour où il s'apprêtait à rejoindre le jeune homme qu'il avait découvert pour la première fois le village d'esclaves tout près du manoir. Et alors qu'il le parcourait, il avait aperçu, sur le bras d'un vieillard décédé et abandonné dans une ruelle, un tatouage. Une marque profonde au fer-blanc. Un symbole qui lui avait retourné l'estomac. L'emblème des De Posenhol.

Aujourd'hui, ces souvenirs obscurs refaisaient surface et, alors que là devant lui se tenait son père, un profond dégoût pour son propre sang lui coupa la respiration.

Gallié s'avança vers Dreis désormais assis sur le lit et le serra dans ses bras. Si pour leurs retrouvailles le jeune homme avait tenté de lui rendre son étreinte, en cet instant il aurait plutôt eu envie de le repousser de toutes ses forces. Cependant, cette réaction ne lui serait d'aucune utilité ; aussi garda-t-il les bras le long de son corps. Son père s'écarta doucement, garda ses mains sur les épaules de son fils et soupira.

— J'imagine le choc que cela a été pour toi en découvrant sa vraie nature. La déception que tu as dû ressentir. La colère vis-à-vis de ses mensonges, énuméra Gallié en lui pressant les épaules.

Dreis leva les yeux et observa intensément son père.

— Vous n'avez pas idée... murmura-t-il en serrant les dents.

— Oh que si ! Des gens monstrueux qui gardent des secrets et mentent j'en connais des tas, lui assura-t-il, puis il passa une main dans les cheveux de Dreis et il ajouta : j'espère que malgré ton attachement pour cette enfant, tu comprends ce que j'ai fait et l'acceptes. Quant à la petite princesse... Je ne crois pas pouvoir l'aider sans nous mettre tous les deux en danger. Tu ne m'en tiendras pas rigueur ?

— Je comprends, souffla Dreis en baissant la tête.

— Bien ! s'exclama Gallié en souriant. Je vais renvoyer Loucas chez lui, ses parents n'ont pas cessé de me demander si je l'avais vu. Ils seront rassurés de le retrouver.

Kélima (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant