Tue moi je te suis

Mi hija

    Cléa :

Flash-back, Barcelone 15h30 il y a 12 ans:

Savez-vous quelle est la pire sensation qui soit ? C'est ce sentiment d'impuissance qui nous accompagne dès notre plus jeune âge, cette impression d'abandon perpétuel, alors que l'on s'efforce de se conformer aux attentes des autres.

Mais ce qui fragilise mon cœur meurtri , un peu plus , chaque jour, c'est de réaliser que je ne vivrai jamais la relation dont j'ai toujours rêvé avec mon père, celle de partager des souvenirs et des moments précieux.

Prendre conscience qu'à ses yeux, ces souvenirs n'ont jamais eu lieu, et que le rôle de père exemplaire ne lui est attribué qu'en présence de ses amis ou de grandes personnalités lors de ses conférences de presse, ça me tue davantage.

Mais il n'en est rien, ce n'est qu'une façade, une couverture, cette relation parfaite à laquelle tout le monde croit n'a jamais existé.
J'ai décidé de me taire et taire ses émotions, les faire disparaître en les mangeant, jusqu'à me rendre malade, le seul homme en qui je voyais un héros m'a fait trop vite comprendre qu'il a toujours été l'antagoniste de mon histoire, et par conséquent celui qui me ferait sombrer.

-Cléa, montre à mes collègues comme tu es belle dans ta nouvelle robe ! Messieurs, voici ma fille, appelez la Mademoiselle Darling je vous prie.
Approche mi bella veux-tu.

-Claro Papa, dis-je tout en m'approchant des trois autres hommes présents sur le plateau sans décrocher le moindre sourire.

Généralement, lorsque mon père est en déplacement toute la journée pour des interviews, il m'emmène avec lui afin de mettre en avant notre belle complicité et à quel point il est reconnaissant d'avoir une fille comme moi, foutaise.
Aujourd'hui, il est convié pour parler de son nouveau projet qui se concentre sur la création d'une grande entreprise dans le but de développer une marque de moto plus moderne et en avance sur notre temps.

-Qu'elle est jolie ! Tu as de très bons goûts, cette robe est magnifique, où l'as-tu trouvée ?

-C'est une robe de la maison Dior créée sur mesure, je veux que ma princesse soit la plus belle possible.
Sa mère travaille de pied ferme pour qu'elle étudie dans l'un des collèges les plus prestigieux.

- Je vois, saches que tu peux être fier de ta fille, elle va accomplir de grandes choses !

- Je suis déjà fière d'elle ! Dit-il d'un air supérieur, vous m'excusez messieurs, je dois lui dire une chose avant que l'interview commence, tu viens ma chérie ?

Alors que nous nous éloignons des trois hommes qui terminent leur coupe de champagne hors de prix d'une traite, avant de repartir en loge en attendant leur tour, mon père m'attrape fermement par l'épaule avant de me conduire vers un couloir assez sombre à l'abri de regards et loin du plateau.
Nous nous retrouvons devant la porte d'un bureau qui lui est réservé quand il doit travailler avant de prendre l'antenne.
Il m'invite alors à entrer sur un ton assez froid puis referme instantanément la porte et ne se méprend pas avant de me gifler de toutes ses forces.

- Je t'ai dit quoi putain ?! Tu tires une gueule à réveiller les morts, on a dit que tu devais sourire, refais ça encore une fois Cléa et je peux te jurer que je vais ressortir ce putain de foulard tu m'entends !

Je suis habituée à ce genre de scénario, alors je me tais en espérant que le prochain coup ou la prochaine claque sera moins violente que la précédente, mais c'est sans espoir lorsqu'il m'en remet une de plus belle.
Celle-ci est si violente qu'elle me fait presque tomber au sol à cause de la puissance avec laquelle il m'a giflé.