La Sublime porte

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Les bras de la Salamandre ne s’ouvraient qu’aux êtres aux songes honnêtes.

Une bien belle métaphore pour désigner cette porte capricieuse qu’était l’entrée de Toran. Les habitants n’avaient toujours connu que la pierre rouge et ses dessins apparents. Cependant la Sublime porte était une exception dans cette cité armée de traditions. Cette porte était faite de bois. Un matériau si sombre qui n’avait pas sa place dans une région si désertique. Pourtant si vous demandiez à ses habitants épris de nostalgie, ils vous diraient qu’elle avait toujours été là. Il n’y avait pas une peinture, un souvenir dans lequel elle n’y figurait pas. Cette porte en bois existait depuis la nuit des temps. Certains clamaient qu’autrefois Atlas n’était pas faite de sable et le Soleil y était moins ardent. D’autres y voyaient un cadeau bien trop généreux des dieux.

Cette porte percevait le mensonge mieux que les juges et avec plus d’intelligence qu’un miroir.

Toran était une cité sincère. Les fabulations, la manipulation, les vérités muables et licencieuses étaient bannies. Des citoyens si transparents qu’un brin d’hésitation faisait naître la suspicion dans leur esprit. Ils étaient prudents, confiants mais sur leur garde. Ces soldats étaient incapables d’accepter la frayeur humaine, de ressentir le rejet. Toran était une cité magnifiquement imparfaite. Terne, elle était. Mais victorieuse, elle resterait.

Alexeï avait écouté attentivement chaque mot qui sortait de la bouche de la Seraphine durant leurs derniers kilomètres. Il n’avait pas vraiment cru l’histoire d’une porte ayant la capacité d’entendre les mensonges. Pourtant, alors qu’il utilisait ses forces restantes pour pousser cette porte, le soldat comprit que ce n’était pas si impensable que ça.

La Sublime porte demeurait statique.

Essuyant la sueur sur son front avec un tissu que Cordélia lui avait prêté, il releva son regard vers les remparts. Alexeï sentit ses muscles se tendre alors que des silhouettes sombres les observaient tranquillement. Des humains habillés de la couleur du corbeau, porteur du regard des juges supérieurs. Ils ne bougeaient pas, préférant fixer ces étrangers pêcheurs qu’ils étaient. Ils ne bronchèrent même pas quand la voix enrouée de Nefeli s’éleva pour demander à ce qu’ils ouvrent la porte.

Alexeï devait l’admettre, les guerriers de Toran auraient été des ennemis indomptables.

Les plaintes d’épuisement et les grognements de frustration remplissaient le vide que le sol sableux avait imposé. Ils étaient assoiffés, la peau rouge et les yeux douloureux. Pourtant, la Sublime porte et ses gardiens continuaient d’admirer leur agonie silencieuse. Étaient-ils des Salamandres ou des vautours ?

Alexeï crut pendant quelques minutes qu'ils allaient vraiment mourir ici. Pourtant, en un grand bruit, la porte s'ouvrit enfin.

Incertain, il plaça instinctivement sa main sur son épée.

Les portes révélèrent une silhouette droite, vêtue de noir de la tête aux pieds. Seul son visage teinté de l’offrande de Zar leur était visible. Son regard les fit frissonner, des intentions glacées pour des yeux incendiés par la force et la volonté. Alors que cette autorité à l'état pur s’avançait vers eux, Alexeï pût analyser un peu mieux son visage. Des traits fins mais marqués, un corps modelé pour le combat. Une femme.

Tout le monde l’observait en silence, attendant avec impatience son prochain mouvement.

– Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

Instruction, ordre et certitude.

Alexeï perçut du coin de l’œil que la reine s’avançait.

– Je m’appelle Nefeli, reine de Seryn, nous sommes ici suite à une lettre d’Ahvi concernant Maradak. Nous sommes des alliés. expliqua-t-elle.

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