Cicatrice de minuit | 𝐇𝐚𝐥𝐥𝐨𝐰𝐞𝐞𝐧

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑

« La maison des secrets »

𝐋 𝐄 𝐎 𝐍 𝐎 𝐑 𝐀

Le silence règne à présent, lourd et pesant, alors que le corps d'Irvin repose sur le sol poussiéreux de l'usine. Kayce, les traits tendus, essuie d'un geste rapide le sang qui coule de sa tempe. Nash ramène son arme sous sa veste, la bouche crispée en une grimace nerveuse.

— Faut pas rester là, souffle-t-il d'une voix rauque, jetant un regard rapide autour de lui, comme s'il s'attendait à voir surgir d'autres ombres. J'ai une planque, mais il faut récupérer quelque chose avant. Une maison en ville.

Kayce hoche la tête, ses yeux sombres se posant sur moi, une fraction de seconde. Puis il se penche pour fouiller les poches d'Irvin et de ses hommes, récupérant leurs téléphones, une liasse de billets froissés, et quelque chose qui brille brièvement entre ses doigts avant qu'il ne le range précipitamment.

Je reste en retrait, mon corps figé par le froid qui semble avoir envahi chaque parcelle de ma peau. Ces hommes sont morts. Je le sais, je l'ai vu. Les détonations résonnent encore dans ma tête comme des cloches lugubres. Et c'est Kayce, cet inconnu à la cicatrice, qui les a tués. L'image de lui se retournant pour m'ordonner de le suivre, l'arme encore fumante dans sa main, me brûle l'esprit.

Pourquoi ai-je obéi ? Pourquoi suis-je encore là, au lieu de m'enfuir le plus loin possible de cet homme ?

Je me force à ravaler les questions qui se bousculent, à calmer la terreur qui bat dans ma poitrine, lorsque Nash nous presse de monter dans le cabriolet qui attend à l'abri d'un arbre tordu, à l'avant de l'usine. Je me retrouve à l'arrière, le corps lourd et les mains moites, appuyée contre la vitre froide de la portière, tandis que Nash conduit et que Kayce prend place sur le siège passager. Le moteur gronde, puis nous nous mettons en route.

La voiture file à travers les rues désertes, avalant les distances sous la pâle lueur de la lune, les décorations d'Halloween clignotant sur les façades des maisons, des citrouilles grimaçantes projetant des ombres grotesques sur l'asphalte. Mais l'obscurité semble les dévorer, tout comme elle dévore mes pensées. Je ferme les yeux un instant, cherchant à retenir mes larmes, mais la douleur et la confusion se déversent en moi.

L'image de Calden, sa bouche collée à celle d'Isie, sa main glissant le long de sa nuque, se superpose à celle de Kayce, le regard froid lorsqu'il a tiré sur Irvin. Tout se mélange, tout se brouille dans ma tête, et je sens le sol se dérober sous mes pieds. À mes côtés, la sensation du cuir du siège sous mes doigts est la seule chose tangible, la seule preuve que tout cela est bien réel.

Kayce me regarde à travers le rétroviseur passager. Son regard est difficile à déchiffrer, comme si, malgré son calme apparent, une tempête grondait sous la surface. Il me dévisage avec une intensité qui me trouble, et une part de moi se demande s'il regrette de m'avoir entraînée là-dedans, ou s'il s'amuse à me voir trembler de peur. Mais malgré tout, une sensation contradictoire me serre le ventre : la peur qu'il m'inspire se mêle à une étrange impression de sécurité, comme s'il était, paradoxalement, le seul rempart entre moi et quelque chose de pire encore.

— On est presque arrivés, déclare Nash en se tournant légèrement vers Kayce. Essaie de pas trop faire de vagues, OK ? Ce qu'on cherche devrait être dans un coffre à l'étage.

Kayce ne répond pas, mais sa mâchoire se crispe. Je détourne les yeux de son reflet et observe la ville défiler à travers la vitre embuée, essayant de me souvenir d'un moment où tout était plus simple, où la nuit d'Halloween signifiait seulement des déguisements ridicules et des bonbons. Mais c'est comme si ce monde-là s'était dissous, remplacé par cette course infernale et les secrets que je devine entre Kayce et ses ennemis.