Une danse avec toi

36 7 14
                                    

    La chevelure rousse d'Émile était assez voyante sous la lumière des lustres, tous décorés de petits joyaux aussi transparents que l'eau. Quand il fit son entrée, Hiro eut déjà son regard rivé vers lui. D'un mouvement de main, le rouquin délogea le pli sur sa belle chemise brune. Ses mouvements étaient gracieux et naturels. Ses paroles étaient aussi douces qu'une plume venant d'une belle oie blanche. Sa voix résonna dans la tête de Hiro comme une mélodie qui ne cesserait jamais. Les yeux du noiraud s'attardèrent sur son visage à la peau d'une pâleur à en couper le souffle. Hiro était séduit par ses yeux verts émeraude où brûlait une flamme d'espoir et de courage. Ses cheveux soigneusement coiffés laissaient de petites mèches rebelles devant, légèrement bouclées.

    La salle était bondée de personnes de tous les rangs. Certains se prélassaient dans une salle sur des fauteuils, parlant de leurs journées richement occupées, tandis que d'autres dansaient en rythme sur la piste de danse, accompagnés d'un piano. Les mots s'envolèrent dans la salle avant de se dissiper aussi rapidement que la buée sur des lunettes en plein hiver. Les robes à frous-frous tournoyaient au-dessus du plancher d'ébène. Des milliers de couleurs s'embrassaient les unes avec les autres, formant, tous ensemble, la noblesse. De beaux souliers frôlaient le sol en fonction de la musique que jouaient les musiciens au fond de la salle avec leurs beaux instruments.

    Le prince Hiro, vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon en soie bleue, s'avança vers le buffet pour entamer des discussions avec d'autres personnes afin de faire passer le temps. Ses douces mèches bouclées tombaient au coin de ses yeux azurs. Au bout de ses petites mains, à la peau légèrement bronzée, reposait soigneusement une paire de gants blancs comme la neige. D'une voix douce et agréable, le prince aux cheveux noirs entreprit une discussion avec le comte d'Eznhor. Son visage était marqué par la vieillesse. Sur la peau du comte s'inscrivaient les rides dues à son âge, et ses cheveux grisâtres s'accordaient avec elles. Le comte d'Eznhor tenait dans ses mains une très belle coupe en or venant directement de la marque de fabrication de la famille de Liam. Après une courte discussion, le prince Hiro s'aventura plus loin dans la salle, priant de croiser le regard merveilleux d'Émile.

    « Quel honneur de vous voir ici, prince d'Inazuma, » annonça d'une voix mielleuse un beau roux. Ce beau roux n'était autre qu'Émile.
    « De même pour moi, prince d'Athor, » répondit avec assurance le noiraud en se retournant.

     Même si son cœur battait la chamade et que des milliers de papillons s'éveillaient, et qu'il voyait de petites étoiles autour d'Émile, il essaya sans mal de rester naturel et souriant, plein de confiance. Le fameux prince d'Athor se pencha légèrement, suivi du geste gracieux du noiraud. Avec cette distance, Hiro put observer la douceur du visage d'Émile. En se redressant, le rouquin lui tendit sa main en déclarant d'une voix séduisante :

      « Voulez-vous m'accorder cette danse ? »
    « Bien sûr » dit-il sans hésitation avant de saisir avec délicatesse la main de l'autre.

    Avec douceur, Émile glissa sa main sur la hanche de Hiro pour le rapprocher de lui, tandis que Hiro passait son bras autour d'Émile. Les deux jeunes princes se suivaient dans leurs mouvements sûrs et gracieux. Hiro était absorbé par les mouvements agiles et en même temps si simples du rouquin aux boucles raffinées. La main du noiraud reposait sur l'une des fines courbes du prince du royaume adverse. Hiro était tout simplement fasciné de voir le corps du rouquin bouger avec le sien ; c'était à la fois apaisant et fascinant.

   Le prince aux cheveux noirs en avait oublié l'existence des personnes qui les entouraient et la présence de la musique. La musique résonnait dans ses oreilles comme un faible bourdonnement. Hiro était concentré sur la personne qui le tenait contre lui. Bien que le rouquin fût plus petit que l'autre prince, il l'envoûtait. La présence d'Émile représentait un bien-être entier chez Hiro. Sa chaleur transperçait le noiraud. D'habitude, Hiro trouvait les gens froids et le monde fade, mais avec lui, toutes les couleurs se réveillaient. Le monde n'était plus fade, il était même agréable à vivre. Là, dans les bras d'Émile, Hiro se sentait prêt à tout. Le prince d'Inazuma avait oublié ses tâches, le devoir qu'il devait accomplir, les faux sourires qu'il devait faire, car ici, il se sentait lui.

    Certes, c'était son ami d'enfance, mais il ne pouvait s'empêcher de voir des papillons étranges s'envoler partout où il croisait le regard d'Émile. Hiro suivait les pas d'Émile sans s'en rendre compte, cela devenait habituel. Le noiraud n'avait même pas remarqué les petites rougeurs qu'ils avaient tous les deux en dansant ensemble.

    Ils tournoyaient dans la salle au plancher de bois, ensemble, sans se soucier des regards pesants sur eux. Ils souriaient, tout aussi heureux l'un que l'autre. Le noiraud aurait tant aimé que la musique dure des heures et même des jours - il aurait aimé que le temps s'arrête. Malheureusement, la musique s'arrêta. À ce moment, il entendit une vague de paroles envahir ses oreilles et le monde redevenir aussi fade qu'il l'était. Émile l'avait lâché, mais gardait ce sourire, sûrement gravé sur ses lèvres pour de bonnes minutes. D'un simple geste délicat, le noiraud attrapa l'ourlet de la veste d'Émile jusqu'à l'emmener dehors.

    C'était un hiver ; les arbres nus de la cour les entouraient, faisant grincer leurs troncs et quelques-unes de leurs branches recouvertes de neige. Le crissement des flocons écrasés sous les souliers des deux princes s'accentuait lorsqu'ils allaient plus loin. Au même moment qu'un hibou s'envolait, Hiro attrapa la taille d'Émile et sourit.

    « Que faites-vous...? » demanda le rouquin, quelque peu confus.
    « Nous n'avons pas fini notre danse. »

    Alors, pour la deuxième fois, ils dansèrent sur la neige. Heureusement, Hiro ne ressentait pas l'envie de rentrer à cause de la froideur de cet hiver, car il voulait rester le plus longtemps avec Émile. La seule musique qui les aidait à avancer était celle des oiseaux dans leurs nids, qui ne bougeraient plus jusqu'au printemps, ou encore les couinements des écureuils. Les brises étaient peu présentes, mais quand elles l'étaient, les deux princes se mirent à frissonner ensemble. Le sol enneigé était quelque peu plus agréable pour danser. Là où les deux princes passaient, leurs pas restaient dans la neige tandis qu'ils en faisaient de nouvelles.

   Hiro avait perdu la notion du temps ; il savait juste qu'il tenait Émile dans ses bras. Il avait attendu ce moment avec impatience. Alors qu'ils s'arrêtèrent de danser, il sentit quelque chose de chaud se poser sur ses lèvres. C'était Émile qui s'était mis sur la pointe des pieds pour pouvoir poser ses délicates lèvres sur les siennes. Hiro ne s'y attendait pas d'un geste si doux, mais il sourit, il sourit de bonheur. Tout ce qu'il voulait, c'était avoir une nouvelle fois cette chaleur étrange sur ses lèvres - alors, il prit le visage du rouquin entre ses deux mains et entreprit un baiser rempli de douceur.

Une danse avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant