Chapitre 2

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La notification vient de SnapChat. Bizarre, je n'ai personne d'autre que mes amis japonais. Malgré le fait que je sache pertinemment qu'il ne faut pas parler à des inconnus, je décide d'ouvrir l'application et de regarder ce que la personne m'a écrit, et de regarder qui est cette personne. La messagerie s'ouvre et le message me surprend énormément :

"Hello Shuasa ! On voudrait t'inclure un peu dans le groupe classe, alors on a prévu une sortie dans un parc d'attractions ce samedi à 14h ! Le parc d'attractions, c'est Terraventura. Et, ne t'en fais pas, on a déjà réservé les places et payé ton entrée. On ne te demande aucun remboursement.
A demain ! Eliam."

Je suis sous le choc. Moi qui m'attendais à recevoir un message haineux d'une personne ayant trouvé mon compte par hasard, je me retrouve avec un message plein de gentillesse, et m'invitant dans le parc le plus réputé ! Le plus étrange dans tout ça ? Il m'a bien précisé que tout été payé, et que je n'avais pas besoin de rembourser. Je lui réponds très simplement :

"Salut Eliam, merci pour l'invitation. Je serai là samedi.
A demain, Shuasa."

Je n'y prête plus attention et commence tranquillement mes devoirs. J'ai un peu de maths, expédiées avant même que je ne puisse lire la consigne, du français, bien plus laborieux, et, pour finir, des révisions d'histoire-géo, un peu pénibles, mais faciles. Après avoir fini mes devoirs, je m'empare de mon téléphone. A ma grande surprise, j'ai été également ajoutée dans le groupe classe. Il est très actif ! J'envoie timidement un message qui se perd dans la masse :

« Salut, c'est Shuasa. »

J'attends quelques secondes, puis quelques minutes, jusqu'à ce qu'une réponse à mon message arrive :

« Salut Shuasa ! Tu vas bien ? »

La réponse vient de lui. Il m'a répondu. La réponse est simple, et se perd elle aussi dans la masse, mais, cette réponse me provoque quelque chose, un sentiment inexplicable. Comme si je faisais enfin partie de ce groupe, dont l'accès m'était jusque là complètement inconnu. Je clique sur son profil, et lui envoie un message en français approximatif :

« Oui, merci, je vais bien. Et toi ? »

Je décide de couper mon téléphone jusqu'à demain matin, pour avoir sa réponse au réveil. Je suis tellement impatiente ! J'ai de véritables papillons dans le ventre !
J'entends mon frère et ma sœur coller leurs oreilles contre la porte – il ont dû m'entendre soupirer de joie – et je leur ouvre. J'ai le droit à une avalanche de câlin, et surtout, à une avalanche de question du pourquoi du comment j'ai soupiré. Mais, comme le fait remarquer Yumi, ce n'était pas un soupir de tristesse, c'était plutôt un soupir de soulagement, de joie.
Comme c'est ma fratrie et que je l'adore, je réponds progressivement à chacune de leurs questions. A la fin de leur interrogatoire, je me sens plus légère, et encore plus heureuse. Mon frère sautille, et ma sœur a un grand sourire aux lèvres. Je sais que ce que je leur ai dit ne restera pas très longtemps secret, mais je m'en fiche. Je suis rayonnante, et, pour la première fois depuis que je suis arrivée en France, j'ai l'impression d'être importante.

***

Je reste un petit bout de temps dans ma chambre, seule, simplement à rêver. Rêver de tout ce qui pourrait m'arriver : avoir des amis, réussir à l'école, étudier aux États-Unis, et finir ma vie au Japon, avec lui, deux enfants, trois chats et un chien. Je m'imagine chaque conversation, chaque tout. Je m'imagine même nos repas, les règles de la maison, à quelle heure on irait promener le chien... Et surtout, je m'imagine comme il va apprendre le japonais. Je l'imagine ne pas y arriver, s'énerver, et puis, d'un coup, comprend à quel point le japonais mérite d'être étudier plus profondément, et il se réveille en sachant parfaitement manier les hiraganas, les katakanas, les rōmajis et les kanjis. Je nous imagine satisfaits ; simples, mais finalement heureux.

Ma mère me tire de ma rêverie lorsqu'elle m'appelle manger. J'arrive dans la cuisine, un sourire béat. Mon père ne peut s'empêcher de me le faire remarquer :

« Ça va Shuasa ? Tu te sens bien ? Ça fait un paquet de temps que je ne t'ai pas vu comme ça. Enfin, pas depuis qu'on est arrivé en France. Il s'est passé quoi ? »

Je n'ai même pas le temps de bouger les lèvres que les jumeaux débitent toute l'histoire :

« Shuasa a reçu un message, commence Yumi.
- Pour aller à un parc d'attractions, continue Haruto.
- Même que c'est samedi à 14h !
- Et puis, en suite, il y a son amoureux...
- Même pas vrai, c'est pas son amoureux !
- Mais si ! Bref, son amoureux lui a envoyé un message...
- ET DUCOUP ELLE EST TROP CONTENTE ! finit ma sœur. »

Je sens le regard pesant de mes parents sur moi, bien plus que ce que j'aurais voulu. J'entends mon frère et ma sœur se disputer à propos de si oui ou non, il est mon amoureux.

« Mais c'est super ça ! s'exclame ma mère. Il s'appelle comment ? Tu vas nous le présenter ?
- Attendez, je m'interpose, coupant court à la future conversation à propos de ça. Je ne suis pas avec lui.
- Voilà, j'avais raison ! pépie Yumi.
- Mais je l'aime bien, j'avoue. Et sinon, tout le reste de l'histoire, les jumeaux l'ont parfaitement raconté. C'était super bien !
- Bon, intervient ma mère. Itadakimasu* !
- Itadakimasu », nous renchérissons.

***

Le vendredi se passa très bien. J'ai été professeure particulière de japonais pour ma classe, Eliam m'a aidé en français, ce qui a fait que nous avons eu une excellente note sur un travail de rédaction, et des filles de ma classe m'ont invité à manger avec elles, et m'ont même demandé s'il y avait des traditions avant de manger au Japon. Je suis allée à la boulangerie chercher des goûters pour Yumi et Haruto, et ma mère nous a amenés au restaurant le soir. Tout s'est parfaitement passé, et j'ai passé la meilleure journée du monde, comme aurait dit ma meilleure amie au Japon. Et elle aurait eu raison. La journée était superbe, les gens ne m'ont pas trop mal regardé, et j'ai même reçu des compliments, choses que personne ne m'avait jamais offert depuis bien longtemps.

Et, le mieux dans tout ça, il m'a parlé. Il m'a demandé comment je vivais mon arrivée en France, si les gens n'étaient pas trop méchants, etc... Je lui ai tout, tout raconté. Il m'a dit qu'il avait hâte d'être au lendemain, pour me revoir, et me montrer Terraventura.
C'est pour cette raison que je me trouve devant l'entrée du parc, un billet à la main.


*itadakimasu = merci pour ce repas. C'est un mot intraduisible littéralement en français.

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