Chapitre 2

17 2 0
                                    

Quand il ouvrit les yeux, il les referma aussitôt. Le mélange de peur et d'un souvenir rêvé, particulièrement lié à son père, l'avait perturbé assez pour qu'il ne prenne pas ses précautions habituelles.
Il n'était pas seul. Et il n'avait pas fait preuve de discrétion.

− On sait que tu es réveillé.

La voix masculine était rauque. Il se demanda un instant s'il devait faire semblant à nouveau.
À quoi bon ? Il abandonna le projet et souleva une nouvelle fois ses paupières. Le monde se fit un instant flou autour de lui. Quand tout se remit à sa place, il se rendit compte qu'il était au milieu d'un petit lit sans matelas, constitué de couvertures empilées sur un ancien sommier dont il manquait la moitié des lattes.
Il se souleva légèrement et les muscles de son dos se rappelèrent à lui.
Quelle foutue merde.
Il observa les hommes en face de lui. Ils étaient trois. Le premier était sur une chaise miteuse et monochrome en bois, juste devant la porte close. Il semblait la garder comme un chien de garde à qui on aurait laissé les clés. Deux bruns se trouvaient à chacun de ses côtés. Celui de gauche était incroyablement beau, bien que très décoiffé. Ses lèvres pulpeuses étaient serrées l'une contre l'autre et l'agacement peignait ses traits. Il ne semblait pas content et jugeait Taehyung comme s'il était un enfant perturbant. L'animosité, que ce dernier connaissait très bien, semblait littéralement transpirer de tous les pores de sa peau.

L'autre homme avait les cheveux légèrement plus foncés que son acolyte. Il était habillé tout de cuir et rien sur son visage ne laissait transparaître une quelconque émotion. Taehyung le reconnut instantanément et ne put s'empêcher de hoqueter :

− Satan !

Le prince des enfers leva un sourcil en s'entendant affûté de ce surnom. Le grand homme sur la chaise ricana, amusé :

− On ne nous l'avait jamais faite celle-là.

Taehyung l'ignora et analysa son environnement dans l'optique de trouver une arme qui pourrait lui servir pour se défendre mais la pièce était vide. Pire, complètement dénuée de tout objet, juste quatre putain de murs de brique. Les couvertures ne l'aideraient en rien et... Il était nu ?

Il souleva doucement le tissu blanc et se sentit plus léger en voyant qu'on lui avait laissé son caleçon.
Plus de T-shirt.
Plus de pantalon.
Plus de chaussettes. Ses seules chaussettes !
Il relâcha la couverture avec précipitation et cracha en les regardant alternativement dans les yeux :

– Vous me voulez quoi, putain ?

Sa bouche était pâteuse. Il avait faim, il avait soif et il sentait le goût métallique du sang sur sa langue. Il percevait son cœur dans sa pommette et en voulant ouvrir grand la mâchoire, il encaissa la douleur de ses os frottant entre eux à l'intérieur de sa joue, preuve qu'il était sûrement sacrément écorché. Si tout ça ne suffisait pas, un de ses yeux s'ouvrait à peine. En clair, il était dans un sale état, ses capacités visuelles réduites, aucune arme à disposition, et à moitié nu.
Tout semblait être de son côté donc.
Mais s'il le devait, il se battrait. Il se battait toujours, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus.
Le plus grand des trois, toujours assis comme un roi sur son trône, devait être une sorte de chef.

− JK t'a trouvé dans une ruelle. Il t'a sorti de là, au lieu de t'énerver, remercie-le, tu devrais être mort à l'heure qu'il est.

Satan s'appelait donc JK.
Taehyung ne se laissa pas abattre, parce que lui aussi, se consumait de rage.

― Il aurait dû me laisser crever. Je ne lui ai rien demandé à votre JK. Maintenant laissez-moi partir merde !

Satan haussa un sourcil en regardant le petit Zebulon s'agiter sur le lit défait. Il parlait de lui comme s'il n'était pas là. Il ne détournait pas le regard de l'homme qui avait pris la parole en premier.

― Alors pars. Personne ne te retient.

Il déplaça sa jambe sur le côté, près à courir comme un lapin pour déguerpir le plus vite possible mais grimaça avant de pouvoir même la poser par terre. Elle n’était pas cassée parce qu’il pouvait la bouger, mais il ne pourrait pas s’enfuir aussi vite qu’il le voulait. Il toisa méchamment les trois abrutis et réfléchis à toute vitesse. Il n’était pas fouettement intelligent, en fait, il était même assez idiot à ses yeux, toujours à se fourrer dans des situations impossibles. La preuve étant. Il n'eut pas à réfléchir trop longtemps cependant, que pourrait-il faire dehors à moitié nu ? Ses chances de survie étaient moins élevées que s'il réussissait à trouver quelque chose pour se couvrir. Il allait lui arriver des embrouilles, il le savait très bien, s'il ne mourrait pas de froid avant. Ses yeux passèrent d'un homme à l'autre. Ils s'arrêtèrent un instant sur celui qui n'était ni Belzebuth, ni le chef. Il était beau, vraiment beau, mais il le regardait toujours avec une rage non contenue. Une grimace déforma son visage, lorsqu'il cracha :

− Baisse les yeux.

Sacrée rage en effet.
Taehyung ne le fixa que de plus belle. La domination, la force, la puissance. C'était sa seule chance de survivre. Il connaissait la leçon par cœur.
Sois un chien et tu te feras détruire.
Deviens un monstre et tu détruiras.
Taehyung n'avait rien d'un monstre mais il savait faire semblant. Il était une erreur de la nature.

― Va te faire foutre, répondit-il sur le même ton.

L'homme tourna la tête vers son compagnon toujours assis et déblatéra sans reprendre son souffle.

− Déjà, JK le ramène ici. Ensuite, on le fout dans un lit. Puis on l'héberge pendant trois putain de jours dans notre planque et en plus on se coltine sa mauvaise humeur ? RM merde, je suis pas d'accord !

Taehyung nota son petit nom dans sa tête. Il en connaissait déjà deux sur trois, pas mal. Ledit RM tourna la tête vers son voisin et se leva avant de mettre une main sur son épaule.

− Calme toi Jin, c'est un gamin.

Ok, trois sur trois. Bingo !

− Justement, il finira bien par crever de toute façon, soutient-il en se targuant de l'ignorer.
− C'est moi qui vais te crever connard ! J'arpente les rues pendant que toi tu restes caché comme un rat ici.

Jin se retourna vers Taehyung qui venait de se redresser. Il s'avança vers lui et lui prit le menton entre ses doigts. Le brun ignora la douleur irradiant son visage et lui attrapa le poignet. Ils se toisèrent. Le premier y vit la rage de vivre, le deuxième la souffrance d'être encore vivant.

− Écoute-moi bien gamin, c'est toi l'ami des rats, pas moi. Toi qui vis dans la merde, qui te douches avec la pisse, qui t’'habilles avec les restes des gens comme moi. On essaye au moins de faire quelque chose, ici. On se donne la peine de faire avancer les choses à notre petit niveau, pas que pour nous mais pour les autres, pour que la vie soit un peu meilleure, alors tu vas fermer ta grande bouche, parce que tu vas vite finir dehors. On te donne une opportunité d'être là, d'être au chaud, d'être à moitié à poil et de ne même pas avoir d'engelures. Tu vas avoir de l'eau, tu vas pouvoir manger, et peut-être avoir des vêtements propres si t'es pas trop con pour insulter tout le monde sur ton passage. Tu crois que tu es le seul à souffrir ? Ouvre tes yeux.

Son bras libre se leva et pointa ses amis.

– On galère tous, petit con.

Jin approcha à nouveau son visage et s'il ne s'était pas finalement arrêté, ses lèvres se seraient posées sur les siennes. Ils s’en fichaient royalement. Jin cracha ces derniers mots :

− On est tous dans le même bateau.

Et il le lâcha.
Taehyung retomba sur ses fesses. Il ne s'était pas rendu compte qu'il s'était redressé sous la poigne de l'autre homme. Jin se retourna et bouscula RM au passage avant de sortir en claquant la porte. RM le suivit des yeux avant de se tourner vers son invité.

− Je sais que c'est compliqué pour toi pour l'instant. Tu ne sais même pas où tu es ni qui nous sommes mais pour ce que ça vaut on ne te veut pas de mal. Quand tu te sentiras prêt, tu pourras sortir de cette chambre. Tu es libre. Si tu veux partir, tu peux, et si tu veux rester un peu... Tu peux aussi.

À son tour, il quitta la pièce beaucoup plus lentement et cette fois-ci la porte ne claqua pas. Pour Taehyung, c'était presque pire car dans les yeux de l'homme, il avait vu de la pitié et il détestait ça.
Il détestait qu'on le regarde de haut.
Alors la colère revint de plus belle. Son regard croisa celui de Satan. Il ne pourrait même pas lui donner un âge. Il était tout en noir, de ses vêtements, à ses cheveux, en passant par son regard.
Noir et froid.
Il l'observait comme s'il n'était rien et ça l'agaça d'autant plus.

− Qu'est-ce que tu veux ? Un merci ? Va te faire foutre !

JK haussa à nouveau un sourcil. Ça ressemblait presque à un toc tant il l'avait fait en si peu de temps.

− C'est une proposition ?
― Ta gueule.

Le brun l'observa encore quelques secondes sans parler. Puis comme les deux autres, recula sans un mot.

Taehyung n'en pouvait plus de les voir partir un à un sans avoir de réponses à toutes les questions qui s'accumulaient. Il lâcha d'une voix qu'il détestait tant elle semblait suppliante.

− Mais vous êtes qui putain ?

JK se retourna doucement puis d’une voix ferme, juste avant de fermer cette porte qui le hanterait jusque dans ses rêves.

− On est tes gilets par balle. On est l'espoir que tu n'avais plus.

Taehyung resta seul.

Il pourrait se taper la tête contre les murs tant son cerveau tournait à plein régime.

C'était quoi ce bordel ?

Misericordia - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant