Chapitre 1

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PDV Yuna

La fumée du bar m'agresse la gorge dès que je franchis la porte d'entrée. Le bruit, la chaleur étouffante, les rires forcés et les commandes aboyées... Tout est là, toujours pareil. Je serre les poings, inspire, et je me glisse derrière le comptoir. Une nouvelle soirée commence.

— Yuna ! Qu'est-ce que tu fais, t'as des tables à servir !

La voix grave et tranchante de mon patron résonne dans mes oreilles. À peine arrivée, il me rappelle déjà à l'ordre. Mon sourire se fige alors que je m'efforce de ne rien montrer. C'est devenu une habitude, presque un réflexe : sourire, même quand ça fait mal, même quand je voudrais hurler.

Je me faufile entre les tables, un plateau à la main. Des regards insistants me dévisagent, des mains s'attardent un peu trop près. Je détourne les yeux, fais semblant de ne rien voir. Parfois, je me dis que si je me fais petite, si je m'efface, ils finiront par m'oublier, par me laisser tranquille. Mais ce n'est jamais le cas.

— Eh, jolie serveuse ! Apporte-moi un autre verre, et un sourire avec !

Je me retourne en tentant de maîtriser ma voix.

— Oui, tout de suite.

Je retourne vers le bar pour remplir son verre. L'alcool coule, l'odeur âcre s'infiltre dans mes narines. C'est ironique, moi qui n'ai jamais aimé l'alcool, je passe mes nuits à le servir.

Mon patron m'observe du coin de l'œil, prêt à bondir si j'ose ralentir. Je sais que je ne peux pas me permettre de faire d'erreur. La dernière fois, il m'a retenu la moitié de mon salaire pour "incompétence"... et m'a gratifiée d'une gifle en bonus. Mais je n'ai pas le choix. Ce travail, c'est tout ce qui me permet de tenir.

Je ramène le verre à la table du client. Il me sourit d'un air suffisant, et je sens sa main qui frôle la mienne un peu trop longtemps. Un frisson de dégoût me traverse, mais je garde mon sourire figé. Toujours.

La nuit s'étire, interminable, et l'épuisement commence à peser sur mes épaules. À chaque aller-retour, mes jambes semblent de plus en plus lourdes. Les voix se mêlent, le bruit s'amplifie, et je me surprends à rêver d'un ailleurs, d'un endroit où je pourrais être libre, loin de tout ça.

Mais mes pensées sont brusquement interrompues par une main sur mon épaule.

— Yuna, va chanter. On a besoin d'attirer les clients.

Je tourne lentement la tête vers mon patron, la mâchoire serrée.

— Je suis épuisée... Peut-être que quelqu'un d'autre pourrait...

Il n'attend même pas que je finisse. Sa main s'abat sur ma joue, et un éclair de douleur traverse mon visage. Je le regarde, stupéfaite, une larme menaçant de rouler sur ma joue, mais je me retiens. Je ne lui donnerai pas cette satisfaction.

— Ne discute pas, va chanter. Et tâche de sourire, tu es là pour ça.

Il me laisse là, plantée, au milieu de la salle. Je déglutis, tente de retrouver mon calme, et je monte sur la petite estrade en tremblant. Mes mains se posent sur le micro, mais ma voix vacille. Ce soir, je ne sais pas si je vais y arriver.

La musique démarre, douce et mélancolique. Les premières notes résonnent, et je ferme les yeux pour m'absorber dans l'illusion d'un monde différent. Ici, au moins, dans ces quelques minutes où je chante, je peux m'échapper un peu, m'éloigner de cette vie qui m'écrase. Ma voix vacille au début, mais je retrouve peu à peu mon souffle et laisse les mots s'envoler.

Les clients continuent de parler, certains rient, d'autres se contentent de m'ignorer. Peu importe. Je ne chante pas pour eux. Je chante pour moi, pour garder un semblant d'espoir, pour me rappeler qu'il y a encore des choses qui comptent, même si elles semblent inaccessibles.

Sous protection ( Fanfiction BTS )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant